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considérables, on a toujours été conduit à réunir plusieurs de ces unités tactiques sous un même chef, qui, dans les petites armées, pouvait être en même temps à la tête d’une grande unité tactique : la légion par exemple. Chez nous, la division, et même la brigade, ont paru former des groupes trop forts, et on leur a préféré à juste titre les demi-brigades ou les régimens. Comme sous-unité de détail, à la fois administrative et tactique, on a dû admettre celle où le nombre des hommes est assez limité pour que l’officier les connaisse tous et puisse les diriger de la voix. C’était la centurie chez les Romains, c’est chez nous la compagnie. Voilà à quoi ont été amenés, par une très longue expérience et par une sage appréciation des faits, des chefs militaires dont la capacité et les succès dépassaient de beaucoup ce que peuvent s’attribuer les hommes de notre époque. « La victoire, ont-ils dit, est aux gros bataillons. » Ce précepte ne doit pas être entendu seulement en ce sens qu’il faut des armées nombreuses ; mais les unités qui les composent ont besoin d’être elles-mêmes assez fortes pour posséder la solidité convenable. Au bataillon de 800 à 1,000 hommes on a substitué comme unité tactique la compagnie de 250 hommes. C’est trop peu, l’unité est faible ; c’est trop pour la sollicitude du chef, qui ne peut plus bien connaître tous ses soldats. Puis, on a monté le capitaine, ce qui l’éloigné des hommes au milieu desquels il doit vivre, d’autant plus qu’il sera secondé par des sous-officiers trop jeunes, sans autorité et sans expérience. Tous ces inconvéniens ont frappé ; on s’est effrayé des dangers qui peuvent naître de l’ordre dispersé, et on cherche à en corriger les défauts. Le meilleur, et peut-être l’unique moyen de rendre à l’infanterie française la solidité qu’elle a perdue, c’est de ne donner aux capitaines que le nombre de soldats qu’ils peuvent tenir dans la main et de renforcer le bataillon.

Une autre modification non moins importante, et d’un ordre plus élevé, consisterait à rendre les corps d’armée indépendans du commandement territorial, du moins dans les régions de l’intérieur. On a voulu que chaque corps d’armée fût assuré de posséder, au début d’une mobilisation et pendant toute la durée d’une guerre, tout ce qui lui était nécessaire en hommes, chevaux, voitures et matériel de tout genre. Pour cela, on a partagé la France en régions d’une égale population, destinées à subvenir chacune en temps de guerre, aux besoins du corps d’armée qui l’occupe en temps de paix. Le commandant du corps d’armée doit conserver le commandement de la région d’où il est parti, donner les ordres nécessaires pour y lever des hommes, y recueillir des vivres, des chevaux et du matériel ; il doit assurer l’exécution de ces ordres. La fabrication des armes, des munitions, du matériel de guerre, l’achat des