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vie de Louis XVI décidèrent Frédéric-Guillaume. Il autorisa Manstein à se rendre au camp français, en compagnie de Heymann, ancien lieutenant de Bouillé, qui se piquait d’avoir de l’action sur Dumouriez et des intelligences dans le parti de la révolution. L’entrevue eut lieu le 23 septembre à Dampierre, au quartier-général de Kellermann. On échangea force complimens et prévenances ; Manstein tâcha d’amener Dumouriez à se déclarer pour Louis XYI. Sans se prononcer sur le fond, Dumouriez prodigua les encouragemens et les promesses générales, « amplifia beaucoup sur le mémoire, » et consentit à transmettre au conseil exécutif les propositions que Manstein lui laissa par écrit sous ce titre : Points essentiels pour trouver moyen d’accommoder à l’amiable tout malentendu entre les deux royaumes de France et de Prusse. Le texte était court et précis :


1o Le roi de Prusse ainsi que ses alliés désirent un représentant de la nation française dans la personne de son roi pour pouvoir traiter avec lui. Il ne s’agit pas de remettre les choses sur l’ancien pied, mais, au contraire, de donner à la France un gouvernement qui soit propre au bien du royaume.

2o Le roi ainsi que ses alliés désirent que toute propagande cesse.

3o L’on désire que le roi soit mis en entière liberté.


La conférence terminée, on se mit à table, puis on convint de se revoir et l’on décida de cesser provisoirement le feu. Le lendemain, 24 septembre, Manstein invita Dumouriez et Westermann à dîner. Dumouriez accepta d’abord ; puis, à la réflexion, il se ravisa. C’est qu’il venait d’apprendre les premiers décrets de la Convention : l’abolition de la royauté, la proclamation de la république. Ces nouvelles coupaient court à la négociation entamée par Manstein. Dumouriez n’était point homme à se compromettre sans profit et à risquer prématurément sa fortune dans la partie que venait de perdre La Fayette. Il écrivit à Manstein, lui fit ses excuses et lui manda les nouvelles de Paris, ajoutant qu’il attendait les ordres de son gouvernement pour reprendre les pourparlers. Il terminait par des complimens emphatiques et par l’expression sentimentale des regrets que lui causait une guerre contraire aux principes de l’humanité, de la philosophie et de la raison. Dumouriez savait aussi bien parler le jargon des rose-croix que celui des jacobins et jouait tour à tour, avec la même désinvolture, le personnage qui convenait à ses desseins.

Cette négociation avec les Prussiens était encore la moindre des affaires qu’il avait à conduire. Il lui fallait défendre contre son