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Europe, à se plier à la coutume des démembremens et des échanges, à concilier enfin le système de la convenance d’état avec le principe de la souveraineté du peuple. « Si même le roi de Prusse ressentait contre la maison d’Autriche la juste indignation qui doit l’animer, s’il prétendait à s’indemniser des frais d’une guerre entreprise sur les exposés insidieux et les folles espérances de la cour de Vienne, on ne serait peut-être pas éloigné de trouver convenable qu’il s’emparât du reste de la Silésie ; mais alors il s’engagerait à garantir l’indépendance des provinces belgiques, que la France ne tarderait point à couvrir de ses armées. Par une suite des principes que la volonté nationale a consacrés, l’indépendance de ces provinces serait absolue, et la nation française promettrait formellement que jamais, même dans le cas où les Belges délivrés en exprimeraient le vœu librement, elle ne consentirait à l’accession d’aucune partie des territoires des Pays-Bas à l’empire français. »

Sentant bien que les articles relatifs à Louis XVI étaient la partie très faible de ce plan de négociation, les membres du conseil firent remettre à Westermann des pièces tendant à prouver que, dans sa captivité, le monarque déchu était traité avec égards. Muni de ces documens, de ces instructions et de celles qui étaient destinées à Dumouriez, Benoît et Westermann partirent, le 27 septembre au soir, pour rejoindre ce général. Les choses en étaient là, quand le conseil reçut coup sur coup le manifeste de Brunswick, qui rompait les négociations, et la lettre de Dumouriez, du 29 septembre, qui en faisait pressentir la reprise. Le conseil approuva la conduite et les vues du général[1]. Sur la foi de rumeurs, assez fondées d’ailleurs, et qui annonçaient des troubles en Prusse, Lebrun croyait que Frédéric-Guillaume ne cherchait qu’à sortir honorablement de son expédition. Il allait même maintenant jusqu’à admettre l’idée d’une paix générale. Trois jours auparavant, il déclarait à l’Autriche une guerre à outrance ; sous l’impression de la lettre de Dumouriez, il se faisait à l’idée de traiter même avec cette ennemie héréditaire. « Je crois, écrivait-il, qu’il est de l’honneur du roi de Prusse de ne pas abandonner son alliée aussi subitement, et que, si l’on peut faire une paix générale sur les seules bases que la république française peut maintenant admettre, il y aurait une obstination mal placée de ne pas en saisir l’occasion. » Ce ne serait d’ailleurs que partie remise : avant trois mois, l’Autriche serait en guerre avec la Prusse, et la Prusse serait alliée de la France. « Ainsi, mon cher général, il ne faut pas trop tenir à l’idée de ne

  1. Lebrun à Dumouriez, 30 septembre.