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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/700

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seulement à Flaubert le facétieux auteur de la Laitière de Montfermeil et de Gustave le Mauvais Sujet, — Paul de Kock, pour l’appeler par son nom, — s’il n’y avait eu, tout au fond de Flaubert lui-même, un vaudevilliste « énorme, » selon le mot qu’il aimait, et trop longtemps méconnu.

Ce sont ses jeunes élèves qui nous l’ont révélé : M. Henry Céard et M. Karl Huysmans, M. Léon Hennique et M. Guy de Maupassant, quelques autres encore. Leurs œuvres étant, d’ordinaire, difficiles et surtout peu tentantes à résumer, et le titre même de quelques-unes d’entre elles étant impossible a transcrire, je ne saurais avoir ici l’intention d’en faire le dénombrement, et bien moins de les analyser. Mais, parmi diverses qualités dont ils brillent, c’est de leur force comique, uniquement, que je voudrais leur donner conscience, et ainsi les aider à retrouver leur vraie voie, que je crains qu’ils ne connaissent pas.

De toutes les leçons du maître, — développées, interprétées, illustrées par M. Zola, — celle qu’ils ont retenue le plus fidèlement, et le plus religieusement appliquée, c’est qu’il faut expulser du roman de l’avenir l’intérêt romanesque d’abord, et ensuite, autant qu’il se pourra, toute espèce d’intérêt généralement quelconque. Flaubert, à la vérité, toujours un peu romantique, et conséquemment romanesque, n’y a réussi que très tard, comme l’on sait, dans ses dernières œuvres seulement, et après vingt-cinq ou trente ans d’un prodigieux labeur. M. Zola lui-même, emporté par je ne sais quelle fougue d’imagination méridionale, n’a peut-être pas imité d’assez près la platitude de l’existence, et, reculant, encore trop souvent devant l’application entière de ses principes, n’a pas été toujours aussi banal qu’il l’avait promis. « Certes, il travaille dans la vie, disent volontiers de lui les intransigeans de l’école, mais la vie de ses livres est arrangée par un artiste ; » et c’est ce que, dans le secret de leur cœur, ils ont quelque peine à lui pardonner. Plus heureux que leurs maîtres ou même qu’un ou deux de « leurs frères d’armes, » et mieux servis d’ailleurs par la stérilité de leur génie naturel, quelques disciples ont touché le but presque du premier coup : M. Henry Céard, par exemple, et M. Léon Hennique. Sans doute, celui-ci, dans son premier roman, — la Dévouée, — n’avait pas laissé d’arranger encore un peu la vie. Un horloger besogneux, pour se procurer cent mille francs empoisonnait sa fille cadette et faisait guillotiner son aînée. Cette façon de se remettre en fonds ne m’étonne pas autrement, mais elle est relativement rare. J’en conclus qu’il y avait une intention d’art dans cette machine, et c’était, si l’on veut, de l’invention de collégien, mais enfin c’était de l’invention. Dans l’Accident de Monsieur Hébert, le progrès, sous ce rapport, est sensible : il ne s’y passe rien, ou plutôt — et pour être tout à fait exact, — quand il s’y passe