Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

insectes est corrélative, dit M. Nathorst, à qui nous empruntons ces notions, et les pelouses fleuries du Spitzberg, abritées par de hautes cimes neigeuses, ont le charme éblouissant des corbeilles les plus habilement combinées de nos jardins. On oublie, en les admirant, et sous les rayons d’une lumière caressante qui ne quitte plus l’horizon, l’absence d’arbres, tellement cette nature, avant de reprendre son sommeil à peine interrompu, étale de grâce et de fraîcheur et se trouve en harmonie avec le cadre dans lequel elle est placée. — Une vaste étendue glacée, accompagnée d’îlots épars de verdure, dénués d’arbres et d’arbustes, telle est en deux mots l’économie de la nature polaire.

Le globe terrestre a été parfois, et non sans raison, comparé à deux montagnes immenses qui se rejoindraient par la base, selon une ligne de suture coïncidant avec l’équateur, tandis que les cimes de ces montagnes, arrondies en coupole, occupées par une calotte de glace, répondraient aux pôles. Cette comparaison repose sur l’idée que l’altitude et la latitude produisent des effets semblables et entraînent des résultats identiques. Si l’on s’élève des plaines de l’Inde aux sommets de l’Himalaya, à mesure que l’on franchit les gradins de l’énorme chaîne, on laisse en bas, derrière soi, les palmiers, les cocotiers, les bananiers pour aborder les lauriers et les chênes verts du Népaul, qui font place, plus haut, à des chênes à feuilles caduques, puis à des bouleaux et à des sapins, destinés eux-mêmes à disparaître devant les pelouses que dominent enfin les neiges permanentes des dernières cimes. C’est tout à fait dans le même ordre que se trouvent échelonnées, à la surface du globe, les zones de végétation quand, au lieu de gravir une montagne, on part de l’équateur pour s’avancer jusqu’au-delà du cercle polaire. Sur nos Alpes, bien que moins marqué, le contraste n’est pas moins sensible, et, au-dessus des chênes et des hêtres qui couvrent les vallées inférieures, on rencontre les sapins qui cessent inévitablement vers 1,800 mètres. Alors se montrent les gazons de plantes alpines naines ou rampantes, cachées huit mois sous la neige. Ces plantes ne diffèrent pas ou diffèrent peu, et dans de minimes proportions, de celles qui croissent aux alentours du pôle, et, de même que le pin et le sapin s’avancent très loin en Scandinavie, sans atteindre pourtant les approches du cap Nord, les plantes du cap Nord, pareilles à celles du Groenland et du Spitzberg, se montrent au sommet des Alpes là où s’arrêtent le sapin et le pin cembro. Cette similitude est un dernier trait qui achève de fortifier le rapprochement établi entre les effets comparés de l’altitude et de la latitude. Les espèces étant en grande partie les mêmes de part et d’autre, on a dû se demander si cette identité n’était pas l’indice d’une commune origine. Dans l’état actuel des choses, une vaste étendue interposée