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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/906

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platanes ont des feuilles petites et finement denticulées ; elles pourraient bien, ces feuilles, avoir été caduques chez quelques-uns au moins de ces arbres. A des types comme ceux que nous venons de nommer, qui sont destinés à prévaloir plus tard en Europe, il faut joindre pourtant un élément plus méridional ; il est constitué par des lauriers et des canneliers, par des aralias, des plaqueminiers, des savonniers, des célastrinées et des jujubiers, qui nous reportent plus au sud, vers les Canaries, le Japon et la Louisiane. Tout compensé, les régions arctiques dont le Groenland septentrional faisait alors partie ont dû avoir le climat du Japon, du Népaul, de l’Italie méridionale, environ 16 ou 17 degrés centigrades, comme moyenne annuelle. Il faut remarquer ici l’absence, non peut-être absolue, mais au moins relative, des palmiers qui, à la même époque, tendaient au contraire à se multiplier sur le sol de l’Europe. Pendant la première moitié des temps tertiaires et même plus tard, jusqu’au retrait de la mer molassique, la végétation de notre continent ne se distingue par rien d’essentiel de celle des plus riches contrées attenantes aux tropiques. Le mélange même et l’association constante des formes équatoriales et de celles qui hantent les plus tièdes vallées et les parties chaudes de la zone tempérée auraient été un attrait de plus pour le spectateur auquel il eût été donné de considérer ces merveilles. — Il n’en fut pas ainsi à l’intérieur du cercle polaire. Immédiatement après l’introduction des dicotylées et la prépondérance acquise aux arbres feuillus sur ceux qui dominaient auparavant, le refroidissement fit d’assez grands progrès pour exclure des régions arctiques certaines catégories de plantes que l’Europe tertiaire posséda, mais qui, dans la direction du nord, n’auront pu, à ce qu’il semble, dépasser le 65e degré de latitude. Cependant, ce refroidissement graduellement accentué se réduisit longtemps à l’établissement d’une saison d’hiver assez marquée pour constituer un intervalle de repos. De là l’adaptation de plus en plus rigoureuse des végétaux arctiques à un point d’arrêt annuel et, par conséquent, leur propension à acquérir des feuilles caduques. Toute l’histoire du monde des plantes polaires, pendant le tertiaire, en est là. Le froid naissant et croissant est encore assez faible pourtant pour ne pas exclure le développement d’une flore riche et puissante ; mais cette flore, au sein de laquelle les élémens méridionaux tendent à s’effacer de plus en plus, ne saurait comprendre en dernière analyse que ceux qui auront pu se plier aux nouvelles exigences climatologiques. En définitive et pendant longtemps, le froid de l’hiver n’est pas assez violent ni la chaleur de l’été assez peu élevée pour arrêter l’essor d’une végétation assimilable à celle que notre zone et notre continent possèdent actuellement. — C’est l’épanouissement de cette végétation dont il nous