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magnolias, des tulipiers, des platanes, divers peupliers, des chênes, des noyers, plusieurs lauriers et canneliers, des plaqueminiers, des myrtes, des légumineuses, etc. Le lierre grimpait déjà aux cimes des plus hautes tiges. Quelques-uns de ces arbres méritent une mention : les peupliers ressemblent à celui qui habite maintenant les bords du Jourdain et les rives de l’Euphrate ; c’est un type demeuré propre aux paya chauds. Les chênes assez mal conservés rappellent les types japonais. Les magnolias, les tulipiers et les platanes, fort nettement caractérisés, reparaissent en Amérique à la même époque ; ils étaient communs à ce pays et au Groenland, de même qu’un certain nombre d’espèces, observées en Europe sur ce même horizon habitaient à la fois notre continent et l’extrême Nord. Rien ne limitait encore l’extension des genres dans la direction du pôle, et les deux zones limitrophes possédaient encore en grande partie les mêmes formes et des espèces identiques. Il y a cependant au Groenland, lors de la craie moyenne, par l’affluence de certains genres demeurés caractéristiques de la zone tempérée boréale : peupliers, platanes, tulipiers, chênes, lierre, séquoias et thuyas, par la proportion relativement restreinte de certains types subtropicaux, une indication de l’abaissement relatif, encore à peine prononcé, du climat polaire.

La flore du troisième niveau crétacé au Groenland appartient soit à la craie récente, soit aux premiers débuts de l’âge tertiaire ; — c’est celle de Patoot, gisement situé sur la côte occidentale de la presqu’île de Noursoak, au bord du canal de Waigat. Il est visible que la transformation du climat a fait ici un pas de plus et qu’elle se traduit par des traits décisifs empreints dans la végétation.

Les cycadées ont maintenant tout à fait disparu. Les gleichéniées et les fougères en arbre ont décru en nombre et en importance, sans être encore éliminées entièrement. Les conifères abondent au contraire et, parmi elles, les séquoias tiennent le premier rang. Les végétaux dicotylés, qui comprennent à eux seuls plus de la moitié du nombre total, ne présentent que des formes qui nous sont restées familières ; mais c’est avec celles de la partie chaude de notre zone tempérée que les comparaisons doivent être surtout établies : des ormes et des peupliers, des bouleaux et des aunes, des charmes et des chênes, des platanes, des frênes, des viornes, des cornouillers ; enfin, des aubépins et des baguenaudiers forment à ce moment la masse principale des forêts groënlandaises. Les chênes à feuilles persistantes ont la physionomie de ceux du Japon ou du chêne a faux liège[1] » qui habite l’Italie centrale, la Sicile, l’Algérie et le sud de l’Espagne. Les bouleaux, les aunes, les

  1. Quercus pseudo-suber de Desfontaines.