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Nous avons vu que le premier chemin de fer italien avait été construit dans le royaume de Naples. La suite ne répondit point à ce début. Bien que les concessionnaires de la ligne de Naples à Portici n’eussent qu’à s’applaudir des résultats de leur entreprise, quinze années s’écoulèrent sans qu’ils trouvassent d’imitateurs. En 1855 et 1856, au moment où la Société générale des chemins de fer romains prenait naissance, des capitalistes français, parmi lesquels se trouvait M. G. Delahante, adressèrent au gouvernement napolitain, pour la construction d’un ensemble de lignes, des propositions qui furent favorablement accueillies, mais auxquelles les demandeurs ne donnèrent aucune suite. Le 30 avril 1860, quelques semaines avant d’être renversé du trône, le roi François II ordonna la construction de trois grandes lignes destinées à relier sa capitale à Brindisi, à Tarente et à Reggio, et de trois lignes rattachant à Palerme les principales villes de la Sicile. Garibaldi, pendant la courte durée de sa dictature, hérita des projets du souverain qu’il venait de renverser et accorda la construction des chemins de fera établir dans les provinces napolitaines et en Sicile à une société que deux de ses créatures, Adami et Lemmi, se chargeaient de constituer ; mais, bien que la construction dût avoir lieu pour le compte du gouvernement, il fut impossible à ces entrepreneurs de trouver les capitaux nécessaires pour commencer les travaux, et ils renoncèrent, au bout de quelques mois, à leur contrat.

Dès que le gouvernement italien eut pris en main l’administration des provinces napolitaines, il se préoccupa de les relier à l’Italie septentrionale et d’y créer un réseau de voies ferrées. Il entra en négociations, à ce sujet, avec MM. Talabot et Cie et conclut avec eux une convention qui fut ratifiée par le parlement ; mais les concessionnaires renoncèrent à constituer une société. Le gouvernement italien crut alors n’avoir d’autre ressource que de s’adresser aux capitalistes dont le concours lui avait été si utile pour assurer l’exploitation et l’achèvement des chemins de fer de la Lombardie. Il traita donc avec MM. de Rothschild et Talabot, qui s’engagèrent à constituer dans le délai de six mois une compagnie qui exécuterait les lignes napolitaines et qui aurait le droit de se fusionner avec la compagnie de la Haute-Italie. Cette fusion était si bien dans la pensée des contractans qu’ils acceptaient la concession de lignes comme celle de Voghera à Plaisance, située dans la Lombardie.

C’était un pas considérable vers la réunion des chemins de fer italiens en un seul réseau, et ce fut précisément ce qui fit échouer ce nouveau traité. Le parlement prit l’alarme à la pensée que le plus grand nombre des lignes italiennes allaient passer dans les mains des mêmes capitalistes, et surtout de capitalistes étrangers, qui