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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/952

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parcourue à cette assemblée de Versailles, qui, pendant quelques jours, a étonné la France par ses confusions, ses vociférations et ses tempêtes vulgaires, à ce congrès où ont également manqué, et les sentimens libéraux et l’esprit de conduite, et la fermeté de la raison, et même la décence des débats publics.

Sans doute, si l’on ne veut voir que le résultat, si l’on s’en tient au dernier mot du scrutin, ce triste congrès se termine mieux qu’il n’avait commencé. Après bien des agitations grossières et des discussions aussi puériles que violentes, on finit par arriver au but ; on a une façon de révision et un vote à peu près tels qu’on les voulait : c’est le programme officiel qui triomphe ! S’il ne faut que cela, c’est fait, nous en convenons. Les défilés dangereux ont été, en fin de compte, franchis. L’influence de la saison et la lassitude, encore plus que l’habileté et les tactiques du gouvernement, ont eu raison des résistances, des tentatives d’obstruction, des mauvaises querelles suscitées par tous ceux qui espéraient trouver dans la réunion d’une assemblée nationale l’occasion de lever le drapeau de la révision illimitée. Soit, mais assurément ce n’est pas sans difficulté et sans effort qu’on est arrivé à se tirer d’embarras. Ces débats tumultueux, incohérens, insidieux, souvent mêlés de ressentimens personnels, qui ont signalé l’ouverture du congrès, ont suffisamment montré du premier coup le danger qu’il y avait eu à rejeter tête baissée dans une telle aventure, et M. le président du conseil, avec toute son assurance, a pu s’apercevoir que, pour une question qui n’avait rien de nécessaire et d’impérieux, il était allé au-devant d’une crise assez redoutable ; il a pu reconnaître qu’il venait de créer bien légèrement une situation aiguë où il n’y avait aucune proportion entre le résultat, en définitive fort médiocre, qu’il poursuivait, et les risques de toute sorte auxquels il exposait l’ordre constitutionnel, la paix du pays.

Qu’est-il arrivé en effet ? A peine le congrès a-t-il été ouvert, il y a eu comme une explosion d’anarchie dans cette assemblée où toutes les passions se sont donné rendez-vous ; il y a eu une sorte de campagne plus ou moins organisée, plus ou moins concertée entre des partis différens pour dénaturer les projets de révision restreinte, pour sortir du contrat, de ce fameux contrat dont on a tant parlé, pour entraîner l’assemblée dans quelque entreprise de révision plus étendue. Nous ne parlons même pas de ceux qui, refusant tout droit au congrès, lui demandaient tout simplement de reconnaître son incompétence, de faire appel à une assemblée constituante ; de ces révisionnistes à outrance il n’y avait peut-être pas beaucoup à craindre. Les plus dangereux étaient ceux qui en paraissant reconnaître l’autorité du congrès, n’ont rien négligé pour lui tendre des pièges par des discussions toujours renaissantes, par des subtilités captieuses d’interprétation. Tantôt c’était à propos du droit d’amendement revendiqué pour les