Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres du congrès ou du chiffre de la majorité nécessaire pour la validité des votes ; tantôt c’était au sujet de la question préalable que le gouvernement et la commission de révision ont prétendu opposer à toutes les propositions sur lesquelles les deux chambres ne s’étaient pas d’avance mises d’accord. Autre question : fallait-il extraire simplement de la constitution et réserver les articles relatifs aux conditions électorales du sénat ou devait-on abroger dès ce moment ces articles ? puis, enfin, il y avait la proclamation de l’éternité de la république à inscrire dans la constitution révisée et l’exclusion des princes de la présidence, même de toute fonction élective. Sous toutes les formes, en effet, à tout propos, la lutte s’est trouvée engagée entre ceux qui s’en tenaient obstinément, sans regarder plus loin, au programme officiel, et ceux qui cherchaient les moyens de franchir les limites. Cette lutte a été assurément singulière, violente, pleine d’acrimonie, de brutalités vulgaires et de subterfuges. Bienheureux ceux qui ont pu s’y reconnaître et se dégager de ces broussailles ! Telles qu’elles sont cependant, avec tout ce qu’elles ont d’incohérent, de tapageur et de puéril, ces discussions de Versailles ne laissent pas d’offrir quelques points instructifs et même une sorte de moralité.

Elles ont surtout cet intérêt de mettre dans tout son jour la politique qui règne depuis quelques années, d’être une querelle entre républicains, et c’est, à vrai dire, un spectacle assez curieux que ce duel bruyant, mêlé de récriminations assez amères et d’aveux souvent précieux entre des hommes qui ont été, après tout, associés à une même œuvre. Que les républicains Qui se disent aujourd’hui modérés parce qu’ils se sont ralliés avec le gouvernement à une révision limitée de la constitution, que ces républicains se plaignent d’être attaqués, harcelés et troublés dans leurs projets par les radicaux, ce n’est pas là précisément ce qui peut surprendre. Ils ont le pouvoir ou ils en partagent les bénéfices et ils s’irritent des résistances qu’ils rencontrent. Ils traitent pour le moment les radicaux et l’extrême gauche avec un souverain dédain ; ils les rudoient comme s’ils étaient de simples réactionnaires et le moindre reproche qu’ils leur adressent est de ne rien entendre à la politique. Ils se lamentent de tant d’indiscipline soit ; mais enfin ces républicains ministériels, si amers aujourd’hui contre les radicaux qui leur créent des difficultés, n’ont peut-être pas absolument le droit de se montrer si difficiles, de traiter si durement d’anciens alliés avec qui ils ont plus d’une fois fait campagne, dont ils demanderaient encore le concours s’il s’agissait seulement d’exercer quelque persécution contre les conservateurs. Oh ! sans doute, M. le président du conseil a quelquefois proclamé sa rupture avec le radicalisme ; il a fait là-dessus des discours retentissans. Malheureusement s’il a fait des discours qui ressemblaient à des déclarations de guerre aux partis extrêmes, il les a trop souvent rachetés ou fait