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au contraire avoir pour effet d’attacher du plomb aux esprits ; en les lisant, on s’écrierait volontiers : « Des ailes ! »

Il faudrait donc, dans l’enseignement à tous les degrés, faire une plus large part, aux lettres, aux arts, aux sciences morales, sociales et politiques. Il est curieux de voir des esprits aussi différens que M. Spencer et M. Bluntschli se rencontrer dans cette assertion « qu’il n’y a point, pour nos démocraties, de liberté possible ni de vote possible sans une bonne éducation politique. » L’école, et surtout l’école populaire, ne peut que préparer cette éducation. L’enfant saisit difficilement la notion de l’état. On ne peut lui donner sur la constitution politique que des notions très vagues et qui offrent un assez faible intérêt à d’aussi jeunes intelligences. C’est donc surtout la morale publique, la vertu civique, le patriotisme qu’il faut lui inspirer, et plus encore par des exemples que par des préceptes. Mais il reste toujours une grande lacune à combler : c’est le temps qui s’écoule entre la sortie des écoles, — vers quatorze ans, — et l’âge de la majorité politique. Dans cet intervalle, il est certain que l’adolescent se trouve livré à lui-même, qu’il est exposé à oublier une bonne partie de ce qu’on lui a appris, que l’enseignement civique, en particulier, sort de sa mémoire juste au moment où il lui deviendrait nécessaire. Plus tard, l’éducation militaire pourra en partie servir à l’éducation civique : l’esprit de corps s’éveille, la discipline apprend la subordination ; l’idée de la patrie et l’idée de l’honneur se font pour ainsi dire visibles ; de mâles vertus pourraient se développer si on faisait quelques efforts pour en aider le développement ; mais on y songe trop peu, et d’ailleurs la vie de soldat n’est pas la vie de citoyen. Le suffrage étant devenu un droit de tous, une certaine instruction politique devient par cela même un devoir de tous. Cette instruction ne doit pas être une œuvre de parti, mais la diffusion des principes sur lesquels repose l’état et que tous admettent. On a rendu l’instruction civique obligatoire, sous une forme insuffisante et trop souvent partiale, pour les enfans de douze à quatorze ans, qui n’y sont guère préparés ; il faudrait la rendre obligatoire sous une forme plus élevée et à la fois plus pratique, et absolument impartiale, pour les jeunes gens qui vont être appelés à exercer leur droit de suffrage. Il est aussi dangereux de lancer dans la vie politique des jeunes gens étrangers à toute connaissance politique que de lancer à la guerre des soldats sans aucune instruction préalable. Si on trouve légitime de demander trois ou cinq années aux jeunes gens pour recevoir l’instruction militaire, n’est-il pas légitime de leur demander quelques heures par semaine pour acquérir des notions positives d’instruction politique et de droit constitutionnel ? La défense contre