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avait eu l’idée d’envoyer des présens à un des ministres de l’empereur, Sung-Tajin, pour le remercier des prévenances qu’il avait elles, sous le règne précédent, pour lord Macartney. Ces présens furent renvoyés à Canton avec la déclaration hautaine qu’un ministre de l’empereur ne recevait pas de cadeaux des étrangers, et l’on sut que, cet envoi malheureux avait été pour Sung-Tajin la cause d’une disgrâce temporaire. Une ambassade russe, à la tête de laquelle était le comte Golovkin, avait été arrêtée à la Grande-Muraille et reconduite jusqu’en Sibérie. Lord Amherst arriva à l’embouchure du Peïho en 1816, et, après de longues négociations avec les autorités chinoises qui voulaient lui persuader de renoncer à son projet, il obtint de débarquer à Tien-Tsin et d’être conduit à Pékin. On lui fit faire le voyage avec une extrême rapidité, et on l’amena au palais d’été par une voie détournée, pour qu’il ne traversât point la capitale. Averti de l’arrivée d’un ambassadeur barbare avec des présens pour lui, Kia-King, amoureux de tous les spectacles, eut le mouvement de curiosité sur lequel ses ministres avaient compté ; il voulut voir immédiatement l’ambassadeur et ses présens. Ceux-ci étaient demeurés en arrière et avec eux l’uniforme de l’ambassadeur. Lord Amherst, quelques instances que l’on fît, ne put jamais se résoudre à paraître devant l’empereur en costume de voyage ; il demanda que l’audience fût remise ; mais la fantaisie de Kia-King était passée et, irrité qu’un barbare osât lui désobéir, il donna ordre de le renvoyer immédiatement. Lord Amherst et ses compagnons durent repartir sur l’heure, sans qu’on leur accordât le temps d’ouvrir leurs malles et de changer de vêtemens. Quant au premier ministre, Ho-Kouong-Yai, qui était pourtant le beau-frère de Kia-King, il fut disgracié le lendemain pour avoir exposé son maître à un pareil déplaisir.

Kia-King mourut le 2 septembre 1820. Il avait désigné pour son successeur son second fils Minning, le jour où celui-ci lui avait sauvé la vie par son courage. Le collège des Hanlin, gardien des traditions et des lois, fit choix pour le nouveau souverain du nom de Taou-Kwang, qui signifie Lumière de la raison. Les premiers actes de l’empereur furent de fermer le harem et de congédier les eunuques de son père ; lui-même se contentait d’une seule femme. Il renvoya les bateleurs et les histrions qui remplissaient le palais et il réduisit les dépenses de la cour pour pouvoir venir au secours des provinces que la famine désolait. Bien que les exécutions sanglantes inexorablement poursuivies par les ministres de Kia-King parussent avoir comprimé l’action des sociétés secrètes, le nouvel empereur jugea nécessaire d’ordonner un désarmement général. Un édit interdit aux particuliers de conserver chez eux aucune arme, et il autorisa les fonctionnaires à faire des perquisitions dans les