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maisons et à confisquer les armes qu’ils y trouveraient. L’utilité de cette mesure ne tarda pas à être démontrée par les soulèvemens qui éclatèrent dans les provinces les plus récemment conquises. Le Turkestan donna le signal : un représentant de la famille des Khodjas, Jehangir, réussit en 1826 à reconquérir pour quelques années les états de son grand-père. Il fallut envoyer contre lui une armée de cent mille hommes ; il fut vaincu, pris et mis à mort ; douze mille familles musulmanes furent transportées du Turkestan dans la province de Kouldja. Cette insurrection était à peine réprimée qu’il fallut réduire par la force des armes les îles de Formose et de Haïnan. Ce fut ensuite le tour des Miao-tse, qui vainquirent en plusieurs rencontres le vice-roi de Canton et ne firent leur soumission qu’après plusieurs années d’une lutte acharnée. À la suite de ces diverses révoltes, le gouvernement chinois était obligé d’avouer, en 1834, que les dépenses du trésor public dépassaient annuellement de 250 millions de francs les recettes et que l’établissement de nouveaux impôts devenait indispensable. C’est à ce moment que les relations avec les barbares du dehors devinrent pour lui un nouveau sujet d’inquiétudes et de dépenses.

Le monopole commercial de la compagnie des Indes expira le 1er avril 1834. Jusque-là les autorités de Canton n’avaient eu affaire qu’au mandataire et aux agens d’une société de marchands ; les opérations se traitaient exclusivement par l’intermédiaire de commissionnaires attitrés, les Hongs, qui répondaient vis-à-vis des Européens de la qualité des marchandises à livrer et, vis-à-vis des vendeurs, du prix à recevoir, et qui acquittaient les taxes dues au gouvernement. La permission de faire le commerce était une faveur qu’il fallait solliciter et qui pouvait toujours être retirée. Dès qu’il fut décidé que le privilège de la compagnie des Indes ne serait pas renouvelé, nombre de maisons anglaises manifestèrent l’intention de nouer des relations dans l’extrême Orient, et le gouvernement britannique reconnut aussitôt la nécessité de charger un fonctionnaire spécial de surveiller les intérêts de ses nationaux en Chine.

Dès le mois d’août 1834, lord Napier arrivait dans la baie de Canton, avec le titre de surintendant en chef du commerce anglais. Ses instructions lui recommandaient de s’assurer de la possibilité d’étendre les opérations commerciales à d’autres parties de l’empire chinois, et d’établir des relations directes avec la cour de Pékin. Le premier acte de lord Napier fut de notifier son arrivée au vice-roi et de lui faire connaître la nature de sa mission ; mais, bien qu’un édit, publié à Canton, eût spécifié que, dans le cas de la dissolution de la compagnie des Indes, le gouvernement anglais serait tenu d’envoyer à Canton un fonctionnaire « pour prendre la direction