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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/404

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l’embouchure du Peïho et qu’un ultimatum réclamant l’exécution du traité fut envoyé à Pékin, il y fut répondu par un refus hautain. Les troupes anglo-françaises débarquèrent, et les deux victoires de Tchanchin et de Palikao leur ouvrirent les portes de Pékin. Hien-Fung s’enfuit à l’approche des alliés et délégua la tâche de traiter avec eux à son frère, le prince Kung. La paix fut conclue à Pékin même, les ratifications en forent échangées sur place, et les troupes alliées n’évacuèrent le territoire chinois que lorsque toutes les conditions du traité eurent reçu leur exécution.

Hien-Fung s’était réfugié dans les montagnes voisines de Pékin, au palais de Jehol, dont ses prédécesseurs faisaient leur résidence pendant la saison des chasses. Il ne voulut jamais rentrer dans sa capitale, après qu’elle eut été souillée par la présence des barbares, Une inexorable nécessité avait pu seule le contraindre à subir le traité de Pékin, mais il ne se résignait pas à cette humiliation ; il cherchait à se consoler par l’abus des plaisirs, et il s’entourait exclusivement de ceux des membres de sa famille ou des personnages de sa cour qui se montraient le plus hostiles à toute concession aux étrangers. L’absence prolongée de l’empereur causait un vif mécontentement à la population de Pékin, parce qu’elle entraînait la suppression des distributions de vivres qui se faisaient quotidiennement à la porte du palais pendant le séjour du souverain, et qui étaient la principale ressource des pauvres gens ; mais il ait impossible de vaincre l’obstination de Hien-Fung. Un édit impérial avait créé, en janvier 1861, sous le nom de Tsung-li-Yamen, un conseil chargé spécialement des relations de la Chine avec les étrangers, et avait appelé le prince Kung à le présider. Le frère de l’empereur conduisait en réalité toute l’administration, d’accord avec le vieux ministre Kweiliang, dont il était devenu le gendre, et avec le premier secrétaire Wansiang ; mais une sourde mésintelligence divisait profondément le ministère et la petite cour de Jehol.

Les excès auxquels Hien-Fung se livrait achevèrent de ruiner sa santé ; il était atteint de consomption, et dès le mois de juillet ses jours parurent comptés. Il n’avait qu’un fils, alors dans sa sixième année : comment serait-il pourvu à la régence ? Le changement de règne n’amènerait-il pas un changement de politique ? Hien-Fung mourut le 22 août 1861 : dès le lendemain, des décrets furent affichés qui constituaient, sous la présidence du prince Tsaï, un conseil de régence de huit membres, composé des membres de la famille impériale les plus hostiles aux ministres en exercice. La retraite réglementaire, imposée par la mort de l’empereur, en suspendant complètement l’expédition des affaires, empêcha le conflit d’éclater immédiatement ; mais le conseil désigna le 1er novembre pour l’entrée solennelle du jeune souverain dans la capitale, et le même