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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/459

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connaissances plus profondes, nous pourrions déclarer si ces terres ont été unies ou séparées dans l’âge moderne du globe. A peine avons-nous osé parler de l’île Howe, nous en sommes réduit, pour ainsi dire, à de simples indices ; il faut attendre de l’avenir des notions certaines sur les ressemblances que cette île peut offrir soit avec l’Australie, soit avec la Nouvelle-Zélande. L’étude de la nature apporte mille preuves que les terres reconnues par le capitaine Cook et les petites îles qui l’entourent au sud, à l’est, et au nord, sont les restes d’un continent qui s’est effondré à une époque où végétaux et animaux occupaient ces terres à peu près dans les conditions où ils les occupent de nos jours.

A songer à la multitude d’ossemens de moas éparpillés sur les deux grandes îles et à l’accumulation observée sur d’étroits espaces, on éprouve une sorte de stupéfaction à l’idée du nombre prodigieux des oiseaux gigantesques qui vivaient, à une époque assez récente, sur les plateaux et dans les plaines de la Nouvelle-Zélande. Est-il possible que la destruction totale de ces remarquables créatures ait été accomplie par les hommes ? Assurément, non. Les Maoris se trouvant toujours fort clairsemés sur l’île du Sud, de vastes espaces n’avaient peut-être jamais été foulés par les pas d’un homme. Selon l’extrême probabilité, presque selon toute évidence, devrait-on dire, les événemens physiques ont été la grande cause de cette extinction. Dispersés sur d’immenses étendues, les moas avaient l’existence facile ; la terre venant à s’engloutir sous les eaux, ils durent se réfugier sur les espaces qui demeuraient émergés. Dans ces circonstances nouvelles, les énormes oiseaux auraient péri par centaines dans les endroits où ils se pressaient en foule. L’anéantissement de ces êtres ajoute une preuve saisissante à toutes les preuves de l’effondrement du continent austral. Nulle part, jusqu’à présent, aux îles Auckland, à Campbell, où M. Filhol a exécuté des fouilles dans les tourbières, à Chatham, on n’a découvert de débris de moas, et l’on s’en étonne. Cependant il n’est pas bien certain que l’on n’en exhumera pas un jour de quelque endroit caché de l’archipel d’Auckland et surtout de Chatham. Si, d’autre part, la certitude était acquise que nul vestige de moas n’existe à Auckland, à Macquarie ou à Campbell, il faudrait sans doute en chercher la cause dans le climat de ces terres, trop rigoureux pour la vie des oiseaux géans. On sait combien de créatures sont limitées dans leur extension géographique à une latitude déterminée.

Après toutes les preuves fournies par la nature vivante, on en soupçonnera une autre. Que l’on jette les yeux sur les cartes où se trouvent indiquées les profondeurs de la mer, on est frappé de voir que la plus grande partie de la région maritime où sont les terres regardées comme les débris d’un continent est assez peu profonde.