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L’Egypte reste donc une des plus vives préoccupations du moment pour l’Angleterre ; mais ce n’est pas la seule, et cette agitation qui se poursuit en pleines vacances, à laquelle M. Gladstone s’associe, pour faire triompher la réforme électorale, pour vaincre la résistance des lords, cette agitation n’a pas moins d’intérêt pour le peuple anglais que toutes les affaires égyptiennes. Certes, s’il est un spectacle curieux et attachant, c’est celui de ce grand vieillard qui, à peine reposé des luttes parlementaires, se remet en marche pour la cause libérale. Cette émouvante et victorieuse campagne que M. Gladstone accomplissait il y a quelques années dans le Midlothian pour conquérir l’opinion, pour enlever le pouvoir aux toties, représentés par lord Beaconsfield, il la recommence aujourd’hui comme premier ministre pour le bill de réforme électorale, pour cette œuvre nouvelle de libéralisme par laquelle il prétend compléter les grandes réformes de 1831, de 1867. Il s’est rendu à Edimbourg, recueillant sur son chemin les ovations populaires, et, devant d’immenses réunions composées de toutes les classes, il a prononcé discours sur discours, parlant de tout ce qui intéresse les Anglais : de l’Egypte, de l’Irlande, des finances ; mais, avant tout, s’attachant à populariser par la puissance de sa parole le franchise-bill, à vaincre la résistance des lords par une grande manifestation d’opinion. Ce qu’il y a de caractéristique surtout dans le langage de M. Gladstone à Edimbourg, c’est le ton modéré et modérateur. Il est clair que le ministre libéral de l’Angleterre tient à rester un réformateur sans devenir un révolutionnaire, qu’il est entré dans cette campagne nouvelle pour la diriger, pour la contenir, non pour se prêter à un mouvement qui menacerait la chambre des pairs dans son existence ou dans ses droits. M. Gladstone parle en homme qui a la responsabilité du gouvernement, qui ne désespère pas encore de conquérir les lords eux-mêmes, et c’est en pleine agitation qu’il a laissé entrevoir une dernière chance de transaction, une possibilité de paix. Il n’a pas caché en effet que, s’il était résolu à employer tous les moyens constitutionnels pour avoir raison de l’opposition des lords, il appelait encore la conciliation, il était prêt à tout faire pour désarmer les adversaires de la réforme en présentant le bill des circonscriptions électorales que les conservateurs ont considéré comme inséparable de l’extension du suffrage. Ce dernier appel de M. Gladstone sera-t-il entendu des lords à la prochaine session d’octobre, ou bien le conflit ira-t-il en s’aggravant ? C’est le point qui reste encore douteux.

La lutte est l’essence de la vie des nations libres, et le dernier mot de toutes les agitations est dit par le scrutin. C’est ce qui arrive toujours en Angleterre ; c’est ce qui est arrivé en Belgique à ces récentes élections où les libéraux vaincus ont dû céder le pouvoir aux catholiques, aux indépendans. Que les libéraux éprouvés par une défaite imprévue aient cherché à se reconnaître, qu’ils protestent contre tout