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La demande de prêt se fait par écrit ; s’il est accordé, l’emprunteur donne un billet à ordre et présente un répondant, ou offre un gage. À ces conditions, il n’obtient à titre de prêt que le tiers de la somme dont il est créancier de la société ; s’il demande l’ouverture d’un crédit en compte courant, il doit donner des sûretés sous la forme d’une hypothèque sur ses biens. Nous passons quelques circonstances aggravantes : les conditions que nous venons de résumer nous semblent assez draconiennes et expliquent la lenteur avec laquelle cette institution s’est répandue. Il nous semble difficile qu’elle puisse rendre des services bien sérieux[1].

On est sans doute de cet avis en Autriche. Dans ce pays, des voix qu’on pourrait qualifier d’autorisées se sont élevées pour réclamer une organisation qui mette la propriété des paysans à l’abri des dettes hypothécaires. Nous citerons, par exemple, le Mémoire adressé par la diète provinciale de Salzbourg au parlement de Vienne, mais nous n’analyserons pas ce document par trop réactionnaire. Nous préférons donner une idée de la proposition analogue contenue dans un Avis adressé par un éminent professeur de l’université de Vienne, M. Lorenz de Stein, aux ministères de l’agriculture et de la justice d’Autriche[2]. M. de Stein développe une combinaison où tout est prévu, qui pourvoit à tout, et qui crée un ensemble de biens ruraux indivisibles et dégagés de toute dette. Il range les immeubles en deux classes, « les biens des paysans, » soumis à une législation spéciale, et les biens circulans, c’est-à-dire restés dans la circulation et soumis au droit commun. Le territoire de chaque commune serait divisé en deux catégories ; un tiers ou la moitié du territoire resterait dans la circulation, le reste serait fixé et se composerait de biens indivisibles. On ouvrirait un registre pour l’inscription de ces biens. On ne pourrait y faire inscrire que des propriétés franches de toute dette, ayant les dimensions prévues. On propose quatre dimensions : 1° pouvant entretenir deux chevaux et quatre vaches ; 2° pouvant entretenir quatre vaches ; 3° n’en pouvant entretenir que deux ; 4° ne se composant que d’un jardin maraîcher. Il faut qu’un pareil bien suffise pour nourrir une famille, pour donner l’indépendance à son chef.

  1. Une statistique très incomplète de ces caisses a été publiée récemment, ou plutôt on a réuni les comptes-rendus de cent vingt et une caisses qui avaient treize mille deux cent vingt membres. L’actif s’élevait à 4,900,500 marks, dont 3,508,440 marks en prêts aux membres ; le passif était de 4,921,482 marks, dont 2,994,592 consistant en emprunts et 1,519,264 en dépôts d’épargne.
  2. Cet Avis a été publié sous le titre de : Bauerngut und Hufenrecht (expression que nous traduirons approximativement par : Biens de paysan et droit à l’indivisibilité de la ferme).