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enseigner, ni plaider. » En Angleterre enfin, « on pouvait le sommer ou de renoncer à sa religion ou de quitter l’Angleterre, et s’il n’obéissait pas ou qu’il rentrât un jour, la mort. » Plus d’un demi-siècle plus tard, en 1744, le poète lui-même de l’Essai sur l’homme, le plus grand nom de la littérature anglaise d’alors, eut à souffrir de la rigueur de ces lois draconiennes. Réservons l’Allemagne à tout à l’heure ; mais non pas sans noter que si les catholiques, dans le temps même de la révocation de redit de Nantes, n’y avaient pas été les victimes d’une persécution sanglante, le dernier chef des guerres de Vendée ne se serait pas appelé du nom fameux de Stofflet Pourquoi donc n’avons-nous de sévérité que pour les nôtres et divisons-nous ainsi notre indignation : tout de feu quand il s’agit d’injurier un roi de France, tout de glace pour juger un ministère anglais ?

Autre exemple. Il n’y a qu’une voix sur Louis XV et nous n’essaierons assurément pas de réhabiliter la mémoire d’un prince d’autant plus condamnable que peut être fut-il, après Henri IV, au sens moderne et contemporain du mot, le plus intelligent des Bourbons. La Châteauroux, au surplus, la Pompadour, la Du Barry, ce sont là, si je puis ainsi dire, dans le temps où nous sommes, de trop agréables sujets pour que les historiens de la nouvelle école en puissent être aisément détournés. Et comme ils se tiennent quittes envers la morale et l’histoire quand, après nous avoir donné sur ces grandes et honnêtes dames quantité de détails piquans ou scandaleux que personne ne leur demandait, ils y ont mêlé quelques déclamations obligatoires à l’adresse du royal amant, il y a tout lieu de croire que Louis XV pâtira pendant longtemps encore de notre goût pour l’anecdote et le papotage historique. Mais s’il en est ainsi, je voudrais au moins que l’on n’eût qu’une justice. Car enfin, sans parler de tous ces principicules d’outre-Rhin dont on connaît les histoires, était-ce donc la vertu qui régnait sur le trône de Prusse, ou peut-être la chasteté sur celui de Russie ? « Quand Sa Majesté était habillée et bottée, dit Voltaire, le stoïque donnait quelques momens à la secte d’Épicure : il faisait venir deux ou trois favoris, soit lieutenans de son régiment, soit pages, soit heiduques, ou jeunes cadets. On prenait du café. Celui à qui on jetait le mouchoir… » Mais si les amours de Louis XV peuvent encore se laisser conter, il en est autrement de celles du grand Frédéric, et l’on pensera que c’est assez de les avoir indiquées. Celles de son pieux successeur, Frédéric-Guillaume II, pour être plus naturelles, n’en furent pas, comme l’on sait, beaucoup plus élégantes. Parlerons-nous là-dessus des amours ou plutôt des fureurs de la grande Catherine ? C’est trop difficile encore, et, s’agissant d’une femme, ce serait moins amusant : il faut seulement s’en souvenir. On répondra peut-être qu’ils furent, après tout, l’un « le grand » Frédéric et l’autre « la grande » Catherine. A quoi je répliquerai