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demander ni plus ni moins au souverain de refuser la sanction à une loi discutée et votée par le parlement. Il y a eu, en un mot, tout un mouvement qui n’aurait eu aucun sens s’il n’avait pas eu pour objet avoué ou inavoué de décider le roi à préluder, par un refus de sanction de la loi scolaire, à une dissolution du parlement trois mois après les élections dernières. On a fini ainsi par se trouver dans une sorte d’état révolutionnaire que les agitateurs, les prédicateurs d’anarchie se sont hâtés d’exploiter et qui peut aujourd’hui donner à réfléchir à ceux qui, sans le vouloir, ont contribué à le créer.

Que les libéraux belges aient éprouvé un amer mécompte lorsqu’ils ont vu les élections du dernier été tourner contre eux et le pouvoir leur échapper, ce n’est pas là ce qu’il y a d’extraordinaire’, c’est le premier mouvement des partis vaincus, et le second mouvement de ces partis est de chercher à expliquer leur défaite, à diminuer la victoire de leurs adversaires. Les libéraux belges étaient sans doute dans leur droit en interprétant à leur manière et dans leur intérêt le succès de scrutin qui a rendu le gouvernement aux catholiques ; ils étaient encore dans leur droit en rassemblant leurs forces pour constituer dans le parlement une opposition sérieuse ; ils étaient toujours dans leur droit en combattant de leur parole, de leur vote la loi scolaire présentée par le nouveau ministère, en protestant, au besoin, contre ce qu’ils appelaient une œuvre de réaction. Ils usaient de leur liberté dans l’intérêt de leurs opinions, rien de mieux. Mais, après tout, cette loi même d’enseignement primaire, qui a été le prétexte des dernières agitations, n’était ni une surprise ni un abus de la victoire. Qu’ont fait les catholiques que les libéraux n’eussent fait avant eux dans leur passage au pouvoir ? Les libéraux ont obtenu du parlement en 1879 une loi qui pouvait, sous certains rapports, réaliser d’utiles réformes, qui, dans tous les cas, avait rencontré de vives résistances et avait paru surtout porter atteinte aux libertés communales, diminuées au profit de l’état. Les catholiques avaient vivement, même, si l’on veut, violemment protesté contre cette loi, qu’ils appelaient la loi de malheur. Depuis cinq ans, ils n’ont cessé de déclarer que, le jour qu’ils reviendraient au pouvoir, leur premier acte serait la réforme de la législation de 1879, et cette réforme de la loi scolaire a eu certainement, avec la question financière, une place privilégiée dans les programmes des dernières élections. Ce qu’ils avaient dit, les catholiques avec leurs alliés les indépendans, l’ont fait à leur arrivée au pouvoir ; ils ont proposé et fait voter par le nouveau parlement une loi qui est sans doute conçue de façon à donner satisfaction aux idées religieuses, qui reste cependant encore relativement modérée. Les catholiques, qui ont aujourd’hui la majorité, étaient évidemment, eux aussi, dans leur droit. Les libéraux n’avaient régulièrement