Ce sont les rivaux et les successeurs des jésuites. Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas plus loin que ses occupations. » C’est en réponse à l’hommage du livre où ces lignes se trouvent que Voltaire répondait avec une parfaite conformité d’idées : « Je ne puis trop vous remercier de me donner un avant-goût de ce que vous destinez à la France. Je trouve toutes vos vues utiles. Je vous remercie de proscrire l’étude chez les laboureurs. Moi, qui cultive la terre, je vous présente requête pour avoir des manœuvres et non des clercs tonsurés. Envoyez-moi surtout des frères ignorantins pour conduire mes chevaux et pour les atteler. »
Rien d’efficace, encore une fois, n’a été fait pour l’instruction des campagnes bretonnes, jusqu’à la loi célèbre de 1833, vraie loi de civilisation, due à l’initiative de ces hommes d’état qu’on a représentés comme voués aux intérêts égoïstes d’une bourgeoisie exclusive. Encore cette loi bienfaisante fut-elle longtemps, en raison des circonstances spéciales que présentait la Bretagne, sans avoir de grands effets. Un des principaux obstacles fut la langue bretonne, presque seule parlée et comprise par la masse rurale, et qui reste encore en plus d’un cas la grande difficulté. L’enfant est tenu de savoir deux langues. Il apprend sans effort la langue maternelle, il n’en est pas de même du français, auquel il est initié par l’école. On parle, il est vrai, français de plus en plus autour de lui. Mais, surtout en Basse-Bretagne, le breton seul est parlé par les paysans. Les propriétaires lettrés et riches s’expriment eux-mêmes avec leurs fermiers dans cet idiome. Idiome régulier, vraie langue, et que l’ignorance seule du conventionnel auteur des Lettres à l’abbé Grégoire, pouvait traiter de patois. Ces lettres à Grégoire ne sont pas d’ailleurs dépourvues de renseignemens sur l’instruction des campagnes. On voit combien elle était faible, sans être nulle. Depuis la révolution, la langue bretonne est restée placée sous la triple protection de l’usage populaire, du patriotisme des lettrés bretons, qui en ont gardé le dépôt, et du clergé. Beaucoup de recteurs (curés) ne prêchent qu’en breton, seul moyen d’être compris par tous. On doit le reconnaître d’ailleurs : le breton a l’inappréciable mérite aux yeux du clergé d’être la langue immaculée qui n’a jamais dit de mal de Dieu ni de ses saints. Tous les péchés que le français a commis en ce genre ne sauraient le mettre en odeur de sainteté. Les communications devenues fréquentes et l’action de l’enseignement primaire ont ôté beaucoup de force à cet obstacle. Il en subsistait d’autres. Aussi les écoles présentaient encore dans les années qui ont suivi 1833, un état fort arriéré. La Bretagne était teintée de la couleur la plus sombre dans ces fameuses cartes du baron Charles Dupin, où l’instruction, disons mieux,