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exemple, on nous assure que les deux tiers des noces continuent à avoir lieu le mardi qui précède le mardi gras. Les réjouissances se prolongent au moins pendant trois jours. Tant qu’elles durent, les nouveaux mariés se retirent chacun chez eux. On voit encore, quoique moins qu’il y a une quarantaine d’années, de ces jeux, de ces feintes, de ces cachettes sans fin, de ces gaîtés intarissables, à propos des incidens les plus prévus qui faisaient partie nécessaire du programme de ces fêtes, où il était d’usage presque général que, avant l’entrée et à la sortie de l’église, la mariée disparût de manière à se faire chercher partout à travers mille peines et au milieu des rires. Ces coutumes sont moins répandues, soit qu’elles aient des inconvéniens, soit que le sérieux moderne ne permette plus aux Bretons d’afficher ces usages naïfs et de s’amuser à si peu de frais. En revanche, elle subsiste encore, la vieille coutume du festin de l’armoire. On peut la trouver puérile par ses accessoires ; elle est sérieuse par la pensée qui s’y attache. L’armoire neuve aux ferrures brillantes, c’est le meuble à la fois de l’économie et du luxe du nouveau ménage. Tout ce qu’il peut posséder, tout ce qu’il peut à l’occasion montrer de plus précieux se cache dans ce meuble consacré aux souvenirs et aux reliques des jours heureux ou malheureux. Il est surtout le témoin indestructible de ce jour des noces qui ne s’oublie pas. L’installation de l’armoire au domicile conjugal reste comme au temps passé une cérémonie originale qu’on célèbre à peu près de la même façon en Tréguier, en Cornouaille, dans le Léonais, et dans la plupart des autres régions de la Basse-Bretagne, bien que ce soit surtout le Finistère qui ait rendu cet usage célèbre. L’armoire est traînée par des chevaux dont la crinière est tressée et ornée de rubans. Ce bel attelage, qui appartient aux parens de la jeune fille, est suivi par les génisses, les moutons et tout le cortège des animaux de la ferme. Arrivée à la limite de la maison de la mariée, l’armoire fait son apparition au son du biniou, mais son installation ne va pas sans toutes sortes de façons qui forment l’accompagnement, traditionnel de cette cérémonie. Un combat simulé s’engage entre les jeunes gens du côté de la mariée, qui font semblant de trouver la maison peu digne de la recevoir, et les amis du marié, qui feignent d’employer la force pour y faire entrer l’armoire. Des pourparlers s’engagent entre les camps rivaux. « Enfin on fait la paix ; la maîtresse de logis couvre l’armoire d’une nappe blanche, y pose deux piles de crêpes, un broc de vin et un hanap d’argent. Le plus vénérable des parens du mari remplit la coupe, la présente au plus âgé des parens de l’épousée, puis l’invite à manger ; l’autre trempe ses lèvres dans la coupe, et la lui repasse en lui offrant pareillement des crêpes. Chacun des parens des