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deux côtés fait entrer les invités, et l’armoire est placée au milieu des bravos dans le lieu le plus apparent de la demeure[1]. »

Les usages relatifs aux morts et aux funérailles paraissent avoir peu changé. Mais ces scènes qui se passent dans les fermes en présence de la famille et des amis ont moins de témoins que les réjouissances des noces. Nul funèbre détail n’est omis, et tout ce qui peut rendre la mort solennelle semble combiné avec un sentiment naïf et profond des effets qui produit une forte impression. Le trépassé, tiré du lit clos, est enveloppé d’un linceul, allongé sur un escabeau, le visage découvert, les mains croisées sur la poitrine et tenant un chapelet. Des cierges sont allumés. Les murs sont couverts de tentures blanches. Le bénitier et la grande croix sont apportés de la paroisse. Une table placée en face du mort est chargée de pain, de viande, de crêpes, de cidre. Les parens et les amis convoqués mangent et boivent à tour de rôle en gardant un silence qu’interrompent seulement des prières pour la béatitude éternelle du défunt, ou le chant des psaumes et des cantiques. Ces chants et ces psalmodies durent jour et nuit jusqu’au moment où le corps est mis dans sa châsse et conduit au cimetière de préférence par un attelage de bœufs, s’il s’en trouve dans le voisinage[2]. La pensée des pauvres et les dons de la charité n’ont pas cessé d’accompagner les obsèques. Les pauvres, pendant la nuit qui précède l’enterrement, viennent prier auprès du mort ; on les nourrit à la maison mortuaire, et après la cérémonie, à laquelle ils assistent, on leur distribue du pain. Les parens et une partie des assistans dînent ensemble à l’auberge. Huit jours après a lieu un service solennel, suivi d’une autre distribution de pain et d’un autre repas en commun.

C’est une remarque générale que la disparition du costume breton dans les circonstances ordinaires de la vie. L’éclatant et riche habillement de la mariée, dont les accessoires varient selon les pays, les vestes brodées et à paillettes des hommes, qui relèvent singulièrement la dignité de leur prestance et qui parfois donnent une idée imposante de l’aisance et de la situation des fermiers, ne s’étalent plus guère qu’aux cérémonies publiques et aux jours de gala. J’en ai pu contempler de fort beaux aux jours de marché ou de fête

  1. M. de La Villemarqué. L’auteur de Barzaz-Breiz cite une chanson de l’armoire qu’il entendit dans le Léonais, mais dépourvue de tout caractère général et où il est assez peu question de l’armoire. Je regrette que l’auteur, si au courant, si à l’affût de tout chant indigène, n’ait pas trouvé un chant plus caractéristique.
  2. Ces détails nous sont encore affirmés dans plusieurs contrées bretonnes, et nous les tenons, notamment à Quimper, de personnes du pays. Ils sont d’un usage général, mais telle particularité peut y manquer ou s’y rencontrer selon les localités.