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une corde. La pauvre fille avait frayeur d’un tel mari et rêvait au moyen de se sauver. Se plaignant d’une grande soif, elle obtint de son ravisseur d’aller à la fontaine ; mais le rusé monstre la tenait toujours par la corde ; plus rusée que le monstre, la belle fille, ayant atteint le bord de la rivière, enroula sa corde autour d’un arbre et courut chez elle. Ne la voyant pas revenir, l’époux d’aventure tira sur la corde ; étonné de la résistance, il sortit de sa caverne et découvrit le tour qui lui était joué. La jeune victime prévint ses parens et ses amis. Au nombre d’une cinquantaine, ils s’armèrent pour tuer le monstre ; arrivés près du repaire et s’étant embusqués, ils se ruèrent sur l’animal au moment où il parut au dehors et le mirent à trépas. Ayant fouillé ses entrailles, ils recueillirent dans son estomac les ornemens de pierre verte des malheureux enfans qu’il avait dévorés. La fable, chez les Néo-Zélandais, de même qu’en d’autres pays, abonde en récits de ce genre. Ce sont toujours des histoires de monstres semant la terreur par des exploits qui rendent la contrée inhabitable jusqu’au moment où des héros les exterminent. Les fées vêtues de blanc qu’on aperçoit au matin dans le brouillard et les génies qu’on accuse de séduire parfois des femmes maories tiennent aussi un rang distingué parmi les légendes.

Dans la cosmogonie des Néo-Zélandais, la terre est plane, le ciel un corps opaque qui s’étend au-dessus de la terre. Quel ciel ? On n’en distingue pas moins de dix. Le plus bas est séparé de la terre par une matière transparente ; on suppose que le soleil et la lune se glissent au-devant de ce cristal. Au-dessus est le réservoir de la pluie, plus haut le séjour des vents, plus haut encore la demeure des esprits, puis celle de la lumière, enfin la région supérieure, la plus glorieuse, le dixième ciel, le domaine de Rehuo, le meilleur de tous les dieux. On disait qu’il apparaissait dans les météores ; on affirmait, au reste, que les divinités en général se montraient dans les éclairs et dans les tourbillons, mêlant leur voix à celle de la foudre pour répondre aux prières de leurs adorateurs. On honorait Atoua, le dieu de la nuit ou des ténèbres, comme ayant précédé tous les autres ; il existait avant la lumière, et, le ciel n’étant pas encore formé, il résidait dans la terre.

Les Maoris ne possèdent la notion ni d’un être suprême ni d’un créateur du monde ; reconnaissant une multitude de divinités, à chacune ils accordent une spécialité. Le révérend Richard Taylor rapporte qu’ayant parlé, au puissant chef de Taupo, de Dieu comme créateur de toutes choses, le Néo-Zélandais tourna cette pensée en ridicule, en disant : « N’avez-vous donc en Europe qu’un fabricant pour tous les objets ? Pourtant il y a des charpentiers, des maçons, des forgerons. Il en est de même pour les auteurs de tout ce que nous voyons dans la nature. » De l’avis des pasteurs évangéliques,