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les Maoris, au sens vrai du mot, n’ont pas de religion, pas de culte, pas d’idoles, pas de sacrifices. Tout se borne, en certaines occasions, à quelques offrandes pour se rendre les dieux propices. Ils ne soupçonnent aucune peine, aucune récompense dans une vie future. Après la mort, les âmes, ayant voltigé durant trois jours près des corps qu’elles abandonnent, se rendent de tous les points du pays au Reinga, le cap Van-Diémen, l’extrémité nord de la Nouvelle-Zélande, pour prendre leur dernier essor dans la nuit éternelle ou vers la gloire, si ce sont des âmes de héros.

Les prêtres étaient considérés comme jouissant d’un grand pouvoir et ils ne défendaient à personne d’y croire. Capables, disait-on, d’exercer une action sur les phénomènes de la nature, ils gouvernaient les vents et les rendaient favorables à la pêche, détournant la méchanceté des esprits malins. Ils savaient également enchanter, ensorceler, nuire à leurs ennemis en leur jetant des sorts. Une institution en vigueur parmi les Polynésiens a été conservée chez les Maoris, le tabou. Par ce mot, on exprime le fait de rendre inviolable ou sacré. Le tabou intervient dans toutes les pensées, dans tous les actes de la vie sociale ; à sa violation on attribue les événemens malheureux. Arbitraire et cruel, il est vrai, le tabou offrait néanmoins des avantages chez un peuple privé de législation : c’était une sorte de loi que chacun redoutait. La personne du chef était sacrée, et le chef avait la puissance de rendre toutes choses inviolables en les déclarant tabou. Plus le chef était d’un rang élevé, plus vénéré était le tabou. Rien de ce qui avait reçu le caractère sacré ne devait être touché, et le tabou ne pouvait être levé que par des cérémonies dont les formes se trouvaient réglées. Cette singulière coutume avait son origine dans l’idée qu’une parcelle de l’Atoua entrait dans tout corps réputé tabou. Manger un être ou un objet ayant pris le caractère inviolable passe pour manger une partie de l’esprit du dieu des ténèbres ; de là l’énormité du crime et la sévérité de la punition : la mort. Chez les Neo-Zélandais, l’idée de justice était précise, l’administration simple, la loi unique : le tabou. Dans les jugemens, tout membre de la tribu avait le droit de donner un avis ; le but de la punition n’étant pas de prévenir les crimes, mais de venger des injures. Si l’on avait éprouvé un dommage de la part d’un individu appartenant à une tribu différente, il était louable de s’en venger sur une personne quelconque de cette tribu. La vengeance est le sentiment qui enflamme le Maori ; en son esprit reste l’outrage non vengé.


III

Les premiers explorateurs ont parlé des tribus néo-zélandaises, toujours ennemies, toujours en guerre. Tout en reconnaissant une