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velle, il y a le déficit financier qui s’accroît sans cesse, sur lequel la commission du budget est occupée, depuis quelques jours, à délibérer de concert avec M. le ministre des finances. Il y a cette crise des industries, de l’agriculture, qui, sans avoir le caractère aigu et dramatique qu’on lui donne, est peut-être plus grave parce qu’elle tient à tout un mouvement économique. Il y a enfin ce malaise universel d’un pays qui se sent atteint dans son essor, médiocrement conduit, livré aux passions et aux vulgaires exploitations de parti. S’il y a encore à travers tout quelque rayon de lumière, c’est que nos soldats et nos marins, engagés au loin, se montrent toujours dignes de la France, portant fièrement le drapeau, rachetant, par leur intrépide dévouaient les légèretés, les inconsistances d’une politique plus agitée et plus entreprenante que réfléchie. C’est là certes une généreuse compensation de patriotisme pour le moment. Tout le reste, il faut l’avouer, est assez maussade, assez peu rassurant dans nos affaires du jour, à commencer par cette situation financière qui devient de plus en plus un objet d’inquiétude, que sénat et chambre des députés vont avoir à examiner, à discuter et à liquider.

Il y a longtemps qu’on a dit que c’était la bonne politique qui faisait les bonnes finances. Il y a longtemps aussi qu’on a dit qu’il était plus difficile de gouverner la prospérité que la pénurie financière. Il faut bien que ces maximes de la vieille sagesse aient été oubliées, qu’on n’ait pas fait une bonne politique et qu’on n’ait pas su gouverner la prospérité, puisque les finances françaises, qui avaient si merveilleusement retrouvé leur élasticité et leur puissance il y a dix ans, ont été si rapidement compromises, puisqu’une fortune si industrieusement refaite a été si promptement dévorée. Ce n’est point cependant que les avertissemens aient manqué. Ceux que M. le ministre de l’instruction publique appelle avec obligeance les « obscurs blasphémateurs, » et qui n’étaient que des conseillers indépendans et prévoyans, n’ont laissé échapper aucune occasion de le répéter, surtout dans le sénat ; ils n’ont cessé de rappeler au gouvernement et à la majorité républicaine qu’ils agissaient en prodigues, qu’ils dépassaient en imprévoyance les régimes les plus décriés, qu’ils compromettaient la sécurité financière par les excès de dépenses et les abus de crédit, qu’ils engageaient étourdiment, aveuglément toutes les ressources publiques sans tenir compte de l’imprévu et de l’avenir.

On n’a rien écouté ; on est allé à l’aventure, abusant de l’épargne nationale et du crédit, ajoutant, comme sous l’empire, les budgets extraordinaires au budget ordinaire, prodiguant les ressources de l’état, des départemens et des communes en travaux démesurés et en constructions fastueuses d’écoles sous prétexté de populariser la république. On a suivi ce système étrange qui a consisté à décréter d’un côté des dégrèvemens sans profit pour les contribuables et à ouvrir d’un autre côté