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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/954

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des emprunts pour suffire à toutes les fantaisies. Ce que la politique des dernières années a ajouté, en pleine paix, en plein temps régulier, aux dépenses normales du budget et à la dette dépasse les calculs de la plus simple prévoyance. Il faut compter, pour ces quelques années, de trois à quatre cents millions de dépenses nouvelles, permanentes, inscrites aux budgets, — et pour la dette, autant de milliards qu’il en a fallu pour payer les frais de la guerre. On a usé de tous les expédiens, réguliers ou irréguliers, et c’est ainsi qu’on est arrivé à cette situation, où la fatigue et l’épuisement ont commencé à se faire sentir, où les recettes publiques ont diminué et diminuent tous les jours, tandis que les dépenses n’ont cessé de s’accroître, où le déficit enfin est entré en maître dans nos budgets. Il y est, il y règne aujourd’hui. Il est sûrement dans le budget courant, puisqu’il y aura dans les revenus publics un mécompte de plus de soixante millions et qu’il y a déjà, d’un autre côté, un contingent respectable de crédits extraordinaires pour le Tonkin et la Chine. Quel sera, en définitive, le chiffre de ce déficit pour 1884 ? Ce sera un compte à régler, une liquidation à opérer plus tard. Pour le moment, l’essentiel est de songer au prochain budget, à celui qu’on va voter, et, ici encore, il est trop clair que l’inévitable déficit se retrouve. On a beau manier et remanier les chiffres, l’insuffisance serait, d’après les évaluations les plus modérées, de plus de cinquante millions, et, comme il y aura aussi, au courant de l’année prochaine, des crédits extraordinaires imprévus, quoique toujours faciles à prévoir, le déficit s’accroîtra nécessairement dans les mêmes proportions. En un mot, les ressources telles qu’elles existent n’égalent plus les dépenses : l’équilibre financier est rompu, il l’est même, en réalité, depuis plus longtemps qu’on ne l’avoue.

Comment rétablira-t-on cet équilibre ? Comment sortira-t-on de ces difficultés jusqu’ici assez inextricables ? C’est là justement ce que la commission du budget et M. le ministre des finances sont occupés à étudier depuis quelques jours ; c’est la question que les chambres, à leur tour, auront bientôt à examiner et à trancher si elles en ont le temps avant la fin de l’année. M. le ministre des finances est certainement, à l’heure qu’il est, l’homme le plus embarrassé de France ; il paraît un peu se perdre dans une situation pour laquelle il n’a pas été spécialement préparé. Il ne méconnaît pas la vérité des choses, il ne déguise pas la triste vérité du déficit ; il ne paraît pas seulement avoir trouvé des remèdes bien décisifs. Son système, à ce qu’il semble, consisterait à faire quelques économies et, en même temps, à relever les évaluations sur quelques articles, les postes, les tabacs, les allumettes, — au besoin à rétablir quelques surtaxes imprudemment abaissées, notamment sur les alcools. Au fond, M. le ministre des finances ne reculerait peut-être pas devant quelques impôts nouveaux ; mais des impôts nouveaux, dans l’année où se feront les élections, quand