Le terrain ainsi déblayé, Rosny et les conseillers d’Henri IV, effrayés des projets ambitieux de la marquise de Verneuil, qui gardait en ses mains une promesse de mariage, rançon de son déshonneur, menèrent vivement les pourparlers engagés avec le grand-duc de Toscane. Le chiffre seul de la dot arrêta un instant la conclusion : Henri IV exigeait un million. Après avoir marchandé de part et d’autre, on finit par se mettre d’accord sur le chiffre de 600,000 écus, et le 6 octobre 1599, Roger de Bellegarde épousait officiellement, à Florence, Marie de Médicis. Reçue triomphalement à son arrivée à Marseille, la nouvelle reine entrait à Lyon le 2 décembre 1600. Avec la même plume qui venait de lui servir pour ses tendres billets à la marquise de Verneuil, Henri IV lui avait écrit : « S’il étoit séant de dire qu’on est amoureux de sa femme, je vous dirois que je le suis entièrement de vous, mais j’aime mieux vous le témoigner en un lieu où il n’y aura de témoins que vous et moy. » Il tint parole ; arrivé à Lyon dans la soirée du 9 décembre, sans attendre le sacrement, il demanda l’hospitalité à la nouvelle reine et partagea sa couche. Si l’on consulte les dates, c’est peut-être à cette galante précipitation que nous devons Louis XIII.
Déshéritée par sa mère au profit de Charles de Valois, le bâtard de Charles IX et de Marie Touchet, Marguerite avait attendu patiemment l’heure de la revanche. Le lendemain du jour où elle apprit que, compromis dans un complot avec la marquise de Verneuil et le vieux d’Entragues, il avait été arrêté et conduit à la Bastille, elle sollicita du roi l’autorisation de revendiquer devant le parlement son légitime héritage. « Je ne le tiens plus, écrit-elle, pour mon neveu, du moment qu’il s’est porté l’ennemi de Votre Majesté. » Henri IV l’ayant autorisée à plaider devant le parlement : « Tout mon bien, écrit-elle, me vient de Votre Majesté ; je le dédie à Monseigneur le Dauphin. » C’était la permission de rentrer à la cour qu’elle achetait à ce prix : « J’espère, lui écrit-elle, le 31 janvier, être bientôt à Villers-Cotterets ; je m’acheminerai, dès que je serai un peu remise des grandes et violentes maladies que j’ai eues l’année dernière. » Cette lettre étant restée sans réponse, elle s’ingénia à trouver un prétexte plausible et sérieux pour motiver son départ.
Depuis quelques mois, des meneurs invisibles cherchaient à soulever les provinces voisines de l’Auvergne et notamment le Limousin et le Quercy. Tous les mécontens, tous les amis de Biron disposés à venger sa mort s’étaient ralliés autour du duc de Bouillon. L’Espagne y était mêlée comme toujours. Avertie de ces coupables intrigues, Marguerite envoya des messagers habiles dans les provinces ainsi travaillées et dès qu’elle eut dans ses mains les