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Dilemme qui serait terrible en effet, si une maison de correction, celle que nous voudrions voir s’élever à Nouméa, n’était là pour recevoir ceux des libérés qui volent, assassinent, sous le prétexte qu’ils manquent de travail. Il faut bien le dire ici, M. Pallu de La Barrière a nourri comme bien d’autres l’illusion généreuse de régénérer les forçats par la douceur, de bons traitemens et des paroles tendres. A son arrivée à Nouméa, en qualité de gouverneur, il a ouvert les cellules où étaient renfermés les transportés les plus dangereux, il les a mis en plein champ en les invitant à se réhabiliter par le travail ; il leur a promis d’écouter leurs plaintes, de les détendre contre les brutalités des surveillans, de recevoir même directement leurs doléances par écrit. Puis il les a envoyés aux routes, au soleil, avec une nourriture substantielle que nos cultivateurs sont bien loin d’avoir. Qu’en est-il résulté? Des évasions sans nombre, des pillages de fermes, des insultes journalières aux gardiens et, comme ceux-ci se défendaient, ces gardiens, de vieux soldats médaillés, ont été traduits devant des conseils de guerre pour avoir à se justifier! Tous ont été acquittés, cela va sans dire, mais la discipline des pénitenciers a été gravement compromise, et M. Pallu de La Barrière a expié ses généreuses illusions par la perte de son gouvernement. Il y a quelques années, l’amiral Courbet, auquel ce gouvernement avait été confié, a voulu, pendant le temps qu’il a séjourné à Nouméa, qu’une discipline sévère y fût en vigueur, et les transportés n’ont pas songé à s’en plaindre. Il en sera de même, croyons-nous, avec le nouveau gouverneur qui vient de remplacer l’honorable commandant Pallu de La Barrière, mais qu’on ne s’y trompe pas, l’arrivée d’un certain nombre de relégués à Nouméa remettrait tout en question. Jamais la colonie ne fut plus difficile à gouverner qu’à l’époque néfaste où les déportés de la commune se trouvèrent en Nouvelle-Calédonie. La rébellion bruyante de quelques-uns, leur volonté absolue de ne rien faire, fit passer sur les bagnes un souffle de révolte qui faillit aboutir à une catastrophe. Les récidivistes devenant les alliés naturels des libérés conduiraient aux mêmes conséquences.

Il est difficile de ne pas dire un mot de la polémique que les journaux d’Australie ont dirigée contre la loi qui nous occupe. Leur thème est celui-ci : les colonies australiennes, depuis qu’elles sont fortement constituées, ont veillé avec beaucoup d’énergie pour que l’envoi de criminels anglais sur leur territoire ne se reproduisît plus. A tout prix, elles tiennent à tenir éloigné d’elles cet élément dissolvant, et l’idée de voir même dans leur voisinage un plus grand nombre de malfaiteurs leur déplaît. Le congrès a voté une loi qui défend aux Chinois de débarquer en Australie ; il en fera une semblable