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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/187

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à l’intention des Français. Il ira jusqu’à faire défense aux bateaux des Messageries maritimes de toucher à Sydney, enfin il expulsera ceux de nos compatriotes qui, en assez grand nombre, sont établis déjà dans ses possessions.

Tout cela n’est pas sérieux, et s’il nous plaît d’envoyer des relégués à Nouméa comme nous y envoyons des transportés, ce n’est pas l’Australie anglaise qui nous en empêchera. Le droit de la France de diriger comme elle l’entend une terre lointaine, isolée de tous côtés par des centaines de lieues d’eau salée, ne saurait être l’objet d’un doute au point de vue le plus strict de la jurisprudence internationale. Chaque paquebot qui arrive de Sydney en Nouvelle-Calédonie y dépose des sujets de la Grande-Bretagne qui ne valent pas mieux que les hôtes de nos pénitenciers; beaucoup d’entre eux même sont des descendans d’anciens convicts; jamais leur présence ne nous a inquiétés. S’ils se conduisaient mal, un arrêté d’expulsion nous en débarrasserait. Il y a deux millions d’habitans dans les possessions anglaises voisines de la nôtre, et nous ne croirons jamais que ces deux millions d’insulaires puissent craindre la poignée d’évadés qui, tous les ans, débarque à Sydney, Brisbane et Melbourne.

L’année dernière, on a voulu savoir ce qu’il y avait de déserteurs français dans ces localités. A cet effet, un vieux surveillant a quitté Nouméa et s’est mis à visiter toutes les prisons d’Australie. Il en est résulté que, de l’aveu même des autorités anglaises, le nombre d’individus d’origine française et arrêtés par elle, du 3 avril 1883 au 3 avril 1884, a été de trente-deux seulement, et, dans ce chiffre, il n’y en a que sept provenant de nos pénitenciers. Dans le Queensland, d’après la liste officielle fournie au consul de France par les autorités locales, le nombre des évadés arrêtés depuis la fin de 1875 jusqu’en 1883, c’est-à-dire dans une période de huit ans, s’élève à quarante-deux en tout. Le plus grand nombre a été réintégré. Il en est d’autres pour lesquels les colonies australiennes ont refusé l’extradition, parce qu’ils étaient de bons ouvriers et qu’elles aimaient autant les garder. A Brisbane, le surveillant Léger, en visitant cette ville, y découvrit trois transportés évadés. La police anglaise en refusa l’extradition, sous prétexte que ces individus étaient mariés, pères de famille, et que leur conduite n’avait donné lieu à aucune plainte. Pourquoi deux poids, deux mesures? Quelle inconséquence de la part de ces colons d’Australie ! Quant à nous, nous y reconnaissons les fils de ceux qui, en 1854, créèrent une garde nationale à Sydney pour repousser une attaque des colons français de la Nouvelle-Calédonie. C’était à l’époque où le bruit se répandait sur les bords de la Tamise que Napoléon III, à la tête d’une armée française, projetait une descente