qu’elle se propose de fonder dans ces parages devront faire de grands efforts pour s’y acclimater, pour y prospérer. Sans compter que la chaleur humide est mortelle à l’Européen, il n’est pas facile d’apprivoiser et de ré luire sous une loi commune des populations fort ombrageuses, en proie aux divisions, aux fureurs intestines, et qui, non contentes de manger leurs morts, ont du goût pour la chair des blancs quand ils sont gras. Cependant l’endroit choisi paraît offrir de sérieux avantages, et la Société africaine l’avait depuis longtemps désigné. On assure que les fleuves qui débouchent dans la baie de Biafra, et où se fait le commerce de l’huile de palme, sont les meilleurs chemins pour remonter dans l’intérieur du continent noir, pour pénétrer dans l’Adamana, qui passe pour la plus riche contrée de l’Afrique. Est-elle aussi riche qu’on se le figure? Nous ne sommes plus au temps des châteaux en Espagne, c’est en Afrique qu’on les bâtit aujourd’hui, c’est dans le pays des nègres et des éléphans qu’on se flatte de découvrir quelque nouvel Eldoralo. On en est le plus souvent pour ses frais, la découverte ne répond pas aux espérances, le paradis dont on rêvait s’évanouit comme un mirage. Mais M. de Bismarck l’a dit un jour : « Ceux des enfans de la mère patrie qui ne veulent courir aucun risque peuvent rester au logis; jamais, en somme, on n’a créé des colonies sans rien hasarder. »
Cette fois, le chancelier put procéder plus rapidement, il se dispensa d’engager une correspondance avec le gouvernement anglais, il n’eut pas le chagrin d’attendre des réponses qui ne venaient pas. Il n’avait eu besoin de consulter personne pour se convaincre que, dans cette partie du Soudan maritime, les races indigènes possédaient seules la souveraineté, et ce n’est pas par voie de dépêches qu’on leur fait connaître ses désirs, qu’on négocie et qu’on s’entend avec elles. L’Angleterre n’a point réclamé, mais plus d’un Anglais s’est indigné, car plus d’un Anglais a pour principe que tout pays qui n’a pas encore de maître appartient virtuellement à l’Angleterre. Ce n’est pas l’opinion de M. de Bismarck, il l’a bien fait voir. Il y a quelques semaines, on annonçait qu’une escadre allemande allait se rendre sur les côtes occidentales de l’Afrique, qu’elle se composait de quatre corvettes, deux à batterie barbette, deux à batterie couverte, le Gneisenau et le Bismarck. Une escadre allemande croisant sur la côte africaine! voilà un signe des temps, un événement tout nouveau, qu’aucun prophète n’avait annoncé, que le grand Frédéric n’avait point prévu. Les puissances coloniales en sont dûment averties; l’Allemagne leur a dit : « Dorénavant vous devrez compter avec moi. » L’éléphant s’est jeté à l’eau, il a prouvé qu’il savait nager, et la baleine l’a rencontré. Mais on ne s’est pas battu, on ne se battra pas.
Il nous semble fort naturel que l’Allemagne s’occupe de fonder des colonies, quand nous considérons le développement qu’a pris la marine