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tend par la force des choses. Il prêche l’union des deux peuples; mais, sans la garantie effective d’un roi en possession de ses prérogatives, que peut-elle être qu’une union morale et de sympathie ?

Si les membres de la majorité refusaient de reconnaître toutes les conséquences de la décision du 9 juin, ils en avaient eux-mêmes déclaré la portée immédiate. « Ce que sera le résultat des conflits actuels entre les pouvoirs publics, disait M. Sverdrup à la séance de l’odelsthing du 10 avril 1883, je l’ignore; mais ce que je sais bien, c’est que la solution définitive, quelle qu’elle soit, qui donnera à notre pays la paix, la concorde et l’union de toutes les forces, portera l’empreinte de la décision du 9 juin, qu’elle sera son enfant, qu’elle remontera, comme à sa source, à l’idée, à la volonté, à l’énergie d’où est sortie cette décision qui fera vivre de sa vie tous les temps à venir. »

Le 9 juin, en effet, la gauche avait pris position d’irréconciliable. Toute transaction devenait impossible. Le gouvernement était réduit à la soumission ou à la démission. Le mot a été traduit en norvégien, et il a fait fortune.


III.

Le vote du 9 juin avait déterminé la retraite de M. Stang. M. Christian-Auguste Selmer, ministre depuis 1874, le remplaça à la tête du ministère.

Le roi fit connaître, le 19 juin, qu’il refusait de promulguer la décision du storthing. Reconnaître cette décision équivalait à abdiquer. On pouvait transiger sur la question du ministère; on ne le pouvait plus sur la question du veto. Le parti qui avait engagé la lutte s’en autorisa pour qualifier le ministère Selmer de ministère de combat.

Pour se couvrir et se justifier, le ministère fit une démarche qui fait honneur à sa conscience. Il demanda une consultation à la faculté de droit de Christiania. Cette consultation, délibérée par toute la faculté, et longuement motivée, lui fut délivrée le 23 mars 1881. Elle était signée des professeurs Brandt, Aschehoug, Aubert, Ingstad, Getz et Hertzberg, jurisconsultes d’un mérite éminent, dont les travaux sont connus et appréciés dans toute l’Europe. Ils concluaient sans hésiter au veto absolu du roi, non-seulement en matière constitutionnelle, mais dans toutes les matières qui ne sont pas proprement législatives et pour lesquelles n’existe pas la garantie de la division du storthing en deux chambres. Seul, M. Brandt crut devoir faire ses réserves sur les argumens de texte, mais au fond il se rallia à ses collègues sur la solution du point en litige.

Si cette dissertation scientifique levait les scrupules du gouvernement,