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de 1814 a cessé d’exister. La politique norvégienne est entrée dans une voie nouvelle pleine de périls et d’obscurités.

Chose bizarre ! si le conflit s’est envenimé, si le storthing a engagé contre le gouvernement la lutte de vingt-cinq ans que nous venons de retracer, c’est faute d’un mécanisme de gouvernement permettant et assurant l’entente et la bonne harmonie entre les pouvoirs publics; tout le monde le sentait et le disait; et pourtant l’objet du conflit, l’innovation repoussée par le gouvernement, était précisément l’établissement de relations directes et journalières entre le storthing et le ministère. Mais il ne faut pas s’y tromper : le régime que l’opposition voulait inaugurer et qu’elle a réussi à introduire n’a que l’apparence du gouvernement parlementaire. Quand le gouvernement est en face d’une assemblée unique sans droit de dissolution, sans pouvoir choisir des députés pour ministres, rendre les ministres responsables, c’est le mettre à la discrétion de l’assemblée. Ce qu’on appelle le « régime parlementaire » a perdu, ces jours derniers, beaucoup de son crédit. C’est que l’idée en a été altérée. Le tort a été de transformer en règle de droit ce qui ne devrait être qu’un principe de conduite et de sage politique. Là où les ministres sont tenus de déférer aux injonctions de la majorité du parlement, il n’y a pas de régime parlementaire, mais un régime conventionnel. C’est bien ce que voulait M. Sverdrup. La souveraineté du peuple norvégien, représenté par le storthing, est le dogme du parti révolutionnaire, dont il est le chef. La résistance du gouvernement était donc justifiée. Peut-être aurait-il pu montrer plus de dextérité dans les négociations : mais il voyait le danger, et il n’encourt aucun reproche d’avoir cherché à l’éviter.

Si le but était révolutionnaire, les moyens employés ne l’étaient pas moins. Quel que soit le sentiment où l’on se range sur la question de la participation des ministres aux débats du storthing, il est difficile de ne pas reconnaître que la négation du veto royal en matière constitutionnelle était un véritable coup d’état. Surtout l’accusation et la condamnation des ministres trouveront malaisément des approbateurs parmi les esprits impartiaux. La constitution, il est vrai, invitait à ce procédé, car elle avait organisé la responsabilité pénale des ministres au lieu de la responsabilité politique. Mais le storthing en a fait un étrange abus. En réalité, les ministres ont été condamnés par leurs adversaires pour avoir été d’un avis opposé au leur.

Quel sera le résultat du nouvel état de choses? L’avenir l’apprendra. Dès maintenant, ce qu’on peut reconnaître avec certitude, c’est que l’autorité royale est considérablement amoindrie. Les adresses et les protestations multipliées de fidélité et de reconnaissance que