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ministre des finances, en annonçant le rappel sous les drapeaux des classes de 1844 et de 1845, déclarait, de son côté, « que le gouvernement voulait être assez fort pour réduire à l’impuissance ses ennemis à l’intérieur et pour choisir librement ses amis à l’étranger. »

Ces déclarations ne répondaient pas au sentiment prédominant dans l’assemblée. Il était difficile cependant à M. Visconti-Venosta de parler de neutralité alors qu’il négociait une triple alliance offensive et défensive avec la France et l’Autriche. Ce fut M. Lanza, le président du conseil, qui, quelques jours plus tard, en l’absence du ministre des affaires étrangères, dans le feu d’une improvisation, laissa échapper ce mot si ardemment sollicité par l’Italie[1].

« C’est une maladresse, » disait-on, le lendemain, à M. de Malaret, qui ne cachait pas l’émotion que lui causait cette déclaration si inattendue et si peu conforme aux assurances qu’il recueillait au Palazzo-Vecchio. Mais la maladresse était trop grave pour n’avoir pas été concertée dans le conseil des ministres. Le gouvernement italien devait, du reste, avant peu, consacrer l’étourderie de M. Lanza, en venant, du haut de la tribune, annoncer aux belligérans que l’Italie entendait, pour toute la durée de la guerre, se renfermer dans une sévère neutralité.

C’en était fait de notre dernier espoir. Tous les gouvernemens nous faussaient successivement compagnie ; notre isolement était complet ; nous nous trouvions seuls, en face de la Prusse, ne pouvant compter sur aucune assistance, ayant perdu les sympathies de l’Europe. Les yeux du duc de Gramont se dessillaient tardivement. Les généraux étaient partis pour l’armée, il ne subissait plus leur ascendant. Son langage s’en ressentait, le ministre devenait souple, persuasif ; il faisait appel au passé, il révélait à l’Italie les dangers de l’avenir. « Nous n’avons jamais écouté, écrivait-il à M. de Malaret, les esprits malveillans qui disaient qu’en prêtant notre appui à l’Italie nous donnions une alliée à la Prusse. L’Italie s’est trouvée momentanément son alliée, mais cette alliance ne pouvait être durable, elle ne devait pas survivre à l’intérêt passager qui l’avait fait naître. Des intérêts permanens et d’une importance vitale tracent à la politique italienne une voie opposée, depuis que la Prusse poursuit l’empire d’Allemagne. Toute l’histoire de la péninsule italique atteste combien une grande agglomération, au pied des Alpes, serait dangereuse pour elle. Les mêmes situations,

  1. Interpellé par la gauche si le gouvernement garderait la neutralité, M. Lanza répondit, en l’absence de M. Visconti-Venosta, que la Gazette officielle publierait un avis rappelant aux sujets italiens les devoirs des neutres. Il dit également, en réponse à M. Nicotera, que le gouvernement se prêterait à un vote de confiance, ce qui l’exposait à s’engager avec les chambres sur son attitude extérieure.