cabinet de Florence que les deux gouvernemens n’abandonneraient pas la neutralité sans une entente préalable. L’Italie a donné un assentiment chaleureux à cette combinaison. » La diplomatie prussienne ne restait pas inactive. Ce n’était pas qu’elle fût inquiète ; elle était renseignée. Elle savait, de source sûre, à quoi s’en tenir sur les pourparlers du cabinet de Florence avec le gouvernement de l’empereur. Lord Granville était son informateur. Les dépêches anglaises nous montrent que l’ambassadeur de Prusse à Londres avait transformé le foreign office en un véritable confessionnal et que sa curiosité sans cesse renaissante était toujours satisfaite.
Dès que M. de Bismarck était inquiet, le comte de Bernstorff courait chez lord Granville, qui s’empressait de le rassurer sur ce qui se passait à Vienne, à Copenhague et à Florence. C’est par lui que le chancelier allemand avait appris, bien avant le gouvernement impérial, que l’Italie, pour échapper aux sollicitations de M. de Beust et aux obsessions de la France, s’était abritée derrière la neutralité britannique. La tâche du cabinet de Berlin à Florence était dès lors facile. Il n’avait qu’à caresser les ambitions italiennes et à leur offrir au nom de son gouvernement, suivant son habitude, tout ce qui ne lui appartenait pas. Il semblait, à entendre M. Brassier de Saint-Simon, que la succession de la France était déjà ouverte et qu’il suffirait à l’Italie de produire ses titres pour être admise au partage. Il parlait en toute liberté de Nice, de la Savoie, de Tunis et de la Méditerranée. Il est un point cependant sur lequel il ne s’expliquait qu’avec embarras : c’était Rome. La politique italienne était trop affinée pour ne pas s’apercevoir que M. de Bismarck avait de secrètes raisons pour ménager le Vatican.
Les partisans de l’alliance française ne manquaient pas d’éveiller l’attention des ministres sur les arrière-pensées de la Prusse. Nos amis voyaient dans l’avenir un saint-empire romain dont la capitale serait Berlin, et ils se demandaient si ce saint-empire ne réclamerait pas Milan et surtout Venise, car il lui faudrait l’Adriatique. M. Massari, l’ancien familier de Cavour, l’éditeur de Gioberti, s’abandonnait, au parlement, à de mélancoliques prédictions : « Veuille le ciel, disait-il, qu’il n’arrive pas à la pauvre Italie ce qui est arrivé, à la fin du dernier siècle, à la plus puissante république italienne ! »
Tout sentiment de reconnaissance n’avait pas disparu en Italie. Il Je n’admets pas qu’on puisse rire quand la France pleure, » disait M. Ferrari à la tribune du parlement.