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une chaîne qui suit la côte septentrionale de l’île, depuis Messine jusqu’au cap San Vito, formant le prolongement des montagnes de la Calabre et qui prend successivement le nom de Péloritaine, des Caronies et des Madonies ; enfin par une chaîne presque parallèle à la première qui coupe l’île à peu près par le milieu. Les sommets les plus élevés de ces deux chaînes sont le mont Antenna (1,975 m.) dans les Madonies, le mont Sori (1,846 mètres), dans les Caronies et le Cammarata (1,578 mètres) dans la chaîne méridionale. Entre ces deux arêtes principales, dirigées de l’est à l’ouest, se trouve une série d’autres élévations obéissant toutes à la même direction, dont la hauteur moyenne ne dépasse pas 1,000 mètres. Elles constituent pour la Sicile un sol très accidenté et en compliquent singulièrement l’hydrographie. Toutes ces montagnes, beaucoup moins élevées que l’Etna, existaient depuis des âges quand la région occupée par le volcan était encore sous les eaux. Le long de la côte septentrionale, la chaîne du Pélore pousse ses ramifications jusque dans la mer et forme des caps séparés par des haies qui découpent la côte et donnent une grande beauté au paysage. La transparence de l’atmosphère, qui détache sur l’azur du ciel les crêtes rocheuses et laisse apercevoir à de très grandes distances les moindres reliefs du terrain, produit un tableau d’une incomparable splendeur. Vers le midi, les montagnes s’abaissent ; la côte sud-est est uniforme, sablonneuse et sans abri. Il n’y a, en Sicile, d’autres plaines que celle de Catane (ager Leontinus), celles beaucoup moins étendues de Terranova, de Licata et de Milazzo ; à la rigueur, on pourrait y ajouter la Conca d’Oro, qui entoure Palerme. Dans l’intérieur de l’Ile, le paysage a, au plus haut degré, le caractère antique et virgilien. Il n’a pas changé depuis des siècles. Le terrain est accidenté, dans les fonds, des oliviers au feuillage grisâtre, au tronc crevassé, cherchent à grimper sur les flancs des collines ; des haies d’aloès bordent des champs d’avoine et de seigle ; plus haut, des bouquets de chênes verts, de caroubiers, de myrtes tachent d’un vert plus sombre la prairie aux herbes courtes, qui tapisse la montagne, au sommet de laquelle un escarpement de rochers calcaires laisse apercevoir ses puissantes assises rougies par le soleil.

Les cours d’eau sont assez nombreux, mais ils ont presque tous le caractère torrentiel, coulant à pleins bords et divaguant au loin pendant la saison des pluies, à sec le reste de l’année. Ils portent leur tribut aux trois mers qui entourent la Sicile : la mer Tyrrhénienne, la mer d’Afrique et la mer Ionienne. Des sources jaillissent fréquemment du flanc des montagnes calcaires ; elles sont recueillies et canalisées avec soin ; car, sous ce ciel de feu, l’eau est un bienfait inappréciable et souvent une cause de luttes et de