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30 francs ; mais, depuis plusieurs années, il s’est abaissé d’abord à 15 francs et a fini par tomber à 8 francs, chiffre auquel il ne rembourse pas les frais de culture ; aussi plusieurs propriétaires se sont-ils décidés à défricher leurs agrumes pour les remplacer par de la vigne. Nous ne pouvons croire qu’ils agissent prudemment, parce qu’avec le développement de plus en plus considérable des moyens de communication, le marché s’élargit tous les jours. Avec le monde entier pour débouché, la consommation ne peut jamais faire défaut, quelque abondant que soit un produit. A une époque normale, c’est-à-dire lorsque les agrumes se vendent de 15 à 20 francs le mille, le produit net par hectare s’élève à 2,500 francs pour les orangers et à 4,000 francs pour les citronniers. Ce sont des chiffres qu’aucune autre culture ne peut atteindre et qui constituent un véritable monopole pour les terrains irrigables.

La Sicile produit en assez grande abondance le sumac, substance riche en tannin, employée dans la teinture pour les impressions d’indiennes et dans la tannerie des peaux blanches. C’est une espèce d’allante qu’on cultive sur les hauteurs et qu’on coupe annuellement, sans jamais la laisser grandir. Pour l’utiliser, on en fait moudre, puis macérer la feuille dans l’eau, de façon à obtenir une décoction plus ou moins concentrée qu’on emploie directement. C’est à l’état de feuille en poudre que le sumac est livré au commerce. Bien que le prix en ait baissé dans ces derniers temps, la production de l’île en est assez considérable, puisqu’elle s’élève annuellement à 496,000 quintaux métriques.

Une autre production dont la Sicile a, avec la Calabre, à peu près le monopole, est la manne, substance pharmaceutique dont l’usage, autrefois fréquent, a aujourd’hui sensiblement diminué. On la récolte sur une espèce particulière de frêne qui croît spontanément dans les montagnes ou qu’on y plante en vue de cette exploitation. Pour l’obtenir, on commence par entourer de raquettes de figuier d’Inde le pied de l’arbre, sur lequel on vient ensuite faire des incisions circulaires, en commençant par le bas. Le suc qui transsude et se coagule sur le tronc, ou qui s’écoule jusqu’à terre, est la manne qu’on vient récolter le matin, après que la fraîcheur de la nuit lui a donné de la consistance. On fait chaque jour une nouvelle incision à partir du mois d’août jusqu’à la fin de septembre. Le frêne à manne commence à produire à l’âge de dix ans et continue jusqu’à trente ans ; on le recèpe alors et on recommence la même opération sur les rejets. Depuis 1875, on a remarqué que cet arbre est attaqué par une espèce de ver qui en mange la feuille au mois d’avril et le laisse parfois complètement dépouillé.

La culture arbustive offre en Sicile des ressources inépuisables et donne les produits les plus variés ; ainsi le chêne-liège, qui pousse