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certains sauvages pouvaient à la rigueur s’abreuver dans l’océan. Nous avons à peine besoin de contredire de pareilles assertions et nous démentirons également Schouten, qui dit avoir vu un pêcheur des mers du Sud boire de l’eau salée « faute de lait de coco, » et Cook affirmant que les insulaires de l’île de Pâques n’en consomment pas d’autre. On se rappelle d’ailleurs l’exemple des mousses du tsar Pierre le Grand, qui, sur l’ordre de leur maître, ne devaient user que d’eau salée afin de s’habituer à se passer d’eau douce plus tard pendant leurs voyages. Tous succombèrent et encore s’agissait-il probablement d’un liquide puisé dans la Baltique, mer à faible salure et dont les flots sont presque doux dans certains parages.


II

Une étude d’ensemble sur les propriétés physiques de l’eau de mer serait bien incomplète si elle se bornait au liquide superficiel ; il faut donc pouvoir obtenir des échantillons puisés à diverses profondeurs, d’autant plus que les caractères de densité et de température varient parfois beaucoup quand on passe d’une couche à une autre. On possède divers appareils qui permettent de ramener à la surface un volume fort raisonnable d’eau recueillie dans la zone voulue. Un moyen connu de longue date, très simple et cependant très pratique, est le suivant. On descend au fond des mers une bouteille vide, mais bouchée et suspendue à une corde ; la pression extérieure, de plus en plus énergique, devient assez puissante, à un certain niveau, pour refouler le bouchon dans le col et la bouteille, se remplit. On hale ensuite le câble, et le liquide intérieur, arrivant au contact d’eaux moins comprimées, se détend graduellement et repousse peu à peu le bouchon vers le goulot, d’où résulte la fermeture. La liqueur, pendant son trajet vers la surface, ne peut se mélanger avec les flots supérieurs et reste pure. M, Ekman et le capitaine Wille ont inventé des appareils d’une grande perfection : pour l’un comme pour l’autre, le mouvement de bas en haut succédant à l’impulsion inverse détermine la fermeture automatique et presque instantanée des récipiens.

On sait que l’eau de mer est plus lourde que l’eau douce et que l’excès de poids est dû aux sels dissous. On a comparé le poids spécifique de l’eau salée à celui du lait de femme, et les astronomes ont remarqué, de leur côté, une autre coïncidence fortuite : le nombre qui exprime ce poids est voisin du chiffre qui marque la densité moyenne de la planète Neptune.

Partout où débouchent des fleuves puissans, dans la Mer-Noire,