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LE MAROC
ET
LA POLITIQUE EUROPEENNE A TANGER

De tous les pays musulmans de l’Afrique méditerranéenne, le plus mystérieux est le Moghreb-el.-Aksa, l’empire de l’extrême couchant. Si proche qu’il soit de l’Europe, dont il n’est séparé que par un détroit de 15 kilomètres, il a su se rendre presque inaccessible, et les voyageurs ont besoin de circonstances particulièrement propices ou de puissantes recommandations pour pouvoir y promener leurs curiosités sans s’exposer à de redoutables hasards. Il en est du Maroc comme de la Chine : les représentans qu’y entretiennent les gouvernemens étrangers habitent une ville du littoral qui n’est pas la capitale et où le souverain ne réside jamais. Ce n’est pas une petite affaire que de se transporter de Tanger à Fez ; cela demande de huit à dix jours de marche dans un pays où il n’y a pas de routes. Aussi ne se voit-on pas. A-t-on quelque chose à se dire, il faut recourir à l’entremise d’un dignitaire accrédité à cet effet, qui se charge de transmettre les demandes, les réponses, les communications plus ou moins agréables qu’on peut avoir à se faire.

Le mystérieux Maroc est aussi, en apparence du moins, le plus tranquille des pays musulmans, le plus recueilli en lui-même. Il a eu jadis une grosse querelle avec l’Espagne, après quoi il est rentré dans son repos, et on pourrait croire par momens que c’est un de ces empires fortunés où il n’arrive jamais rien. Mais les sociétés improgressives ne connaissent pas le vrai repos ; leur condition est plutôt l’immobilité