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pape, qui en toutes choses aimait à faire grand. Il s’en était ouvert, dès 1864, à une séance d’une congrégation romaine, et plus tard, en 1865, dans une lettre confidentielle adressée à trente-six évêques, dont celui d’Orléans ; mais, s’il avait en vue l’infaillibilité, Pie IX le taisait. On a généralement oublié, parmi les catholiques comme parmi les hétérodoxes, que la nouvelle définition dogmatique, qui semble avoir été l’unique résultat et le principal but du dernier concile, ne figurait même point dans ce qu’on en pourrait appeler le programme officiel. À s’en rapporter aux bulles d’indiction, il n’y devait être question que de la discipline du clergé régulier et séculier, de l’amendement des mœurs, de l’éducation de la jeunesse, de la paix universelle, et, d’une manière générale, des moyens de remédier aux maux de l’église et de la société. Aussi, loin de s’effrayer de la réunion d’un concile œcuménique, les catholiques libéraux étaient-ils plutôt disposés à s’en féliciter, comme d’une preuve de la vitalité de l’église. M. Dupanloup fut des premiers et des plus ardens à y applaudir. Il avait, en 1867, été de ceux qui décidèrent la majorité des cinq cents évêques réunis à Rome à demander, dans leur adresse au pape, la convocation d’un concile. Il la désirait si vivement, qu’un peu plus tard il pressait le pape Pie IX de publier les bulles d’indiction, et lui adressait en 1868 une note sur les périls de trop longs délais.

Si l’infaillibilité a été introduite au concile, si elle a été mise en discussion avant même que les évêques fussent rassemblés, c’est que la question fut soulevée par la presse religieuse, laquelle n’admettait point qu’elle ne fût pas posée et résolue. Lors donc que, laïques ou ecclésiastiques, des catholiques s’opposaient à la définition, demandant qu’elle ne fût pas portée au concile, loin d’aller contre les désirs avoués du saint-siège, ils se renfermaient strictement dans les bulles pontificales et ne combattaient que des journaux dont l’opinion ne pouvait avoir force de loi dans l’église.

La controverse soulevée à ce propos par le journalisme agitait déjà tout le monde catholique, que les adversaires de la définition pouvaient encore se flatter de ne pas se mettre en travers des vœux du Vatican. Les lettres d’un des prélats les plus éclairés de Borna, alors archevêque de Thessalonique, depuis secrétaire d’état de Léon XIII, après avoir partagé avec lui les voix du conclave de 1878, Mgr Franchi, permettaient de croire que la prudence l’emporterait autour du saint-père[1]. De presque tous les points de

  1. « Je puis, écrivait à M. Dupanloup Mgr Franchi, le 15 octobre 1869, vous confier une chose très importante. Tout le monde commence à se convaincre des dangers que nous ont faits ceux qui se disent nos amis. Dans ma dernière audience, j’ai trouvé le saint-père parfait dans toutes les appréciations et dans toutes les questions, et j’ai une immense confiance que le concile sera l’œuvre de pacification que nous voulons pour ramener la société, non pour l’éloigner davantage. ». (L’abbé Lagrange, t. III, p. 138.)