Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/833

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses collègues, tenait pour la politique de « respectueuse abstention, » considérant l’infaillibilité pontificale comme une affaire intérieure de l’église, où les états n’avaient sien à démêler. On n’en pouvait dire autant de toutes les questions politico-ecclésiastiques qui, d’après les bulles d’indiction, devaient être soulevées à Rome : les tendances de la majorité des pères laissaient craindre qu’elles ne fussent tranchées d’une façon peu conforme aux droits de l’état. Aussi les partisans de l’intervention revinrent-ils à la charge lors de la divulgation, par une indiscrétion de la presse allemande, du schema : de Ecclesia. Ce schema, dont les canons reproduisaient en plein XIXe siècle la théorie du pouvoir indirect du spirituel sur le temporel, de la papauté sur les couronnes, était si manifestement contraire au droit public moderne que toutes les chancelleries s’en étaient émues. Notre ministre des affaires étrangères, désireux de prévenir les conflits qu’il voyait s’amasser, trouvait là un nouveau motif d’intervention. Il eût voulu envoyer au concile un ambassadeur spécial ; son choix même, affirme-t-on, était déjà fait dans la personne de M. le duc de Broglie. Tel n’était pas l’avis de M. Ollivier, soutenu par la majorité des ministres et par l’empereur. Comme terme moyen, le cabinet des Tuileries se décida à faire remettre au saint-père un mémorandum appuyé par les autres puissances, mais dépourvu de toute sanction, et, ce mémorandum « agenouillé, » selon l’expression du chef du cabinet, le gouvernement impérial le laissa bientôt, lors de la retraite de M. Daru, « s’évaporer en vain manifeste[1]. »

La cour de Rome, après avoir décliné les représentations des puissances, finit du reste par calmer leurs inquiétudes en retirant ce malencontreux schema : de Ecclesia, soit pour l’amender, soit pour gagner du temps. On n’en laissa venir au concile que ce qui touchait le pape, mais dans cette partie on inséra, contrairement au projet primitif, l’infaillibilité pontificale. Près de quatre cents évêques avaient, dès leur arrivée, demandé dans un poslulatum l’introduction de cette question, se fondant sur ce qu’en ce moment même elle soulevait trop de controverses pour n’être pas définitivement tranchée. La minorité française, et allemande eut beau présenter un contre-postulatum, Pie IX, une fois rassuré sur les projets d’intervention des gouvernemens, introduisit la question, et, dès qu’il s’y fut résolu, il se jeta de sa personne dans la lutte avec sa fougue habituelle, envoyant des brefs aux journaux et aux prêtres qui défendaient la suprématie pontificale, recevant des députations d’infaillibilliste, blâmant et à l’occasion tançant durement les

  1. Émile Ollivier, l’Église et l’État au concile du Vatican, t. II, p. 241 et 226.