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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/861

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de viande, de foin, ou de fruits divers qui depuis des années sont restés intacts. Détruire les germes par la chaleur ; les empêcher de rentrer soit en filtrant l’air par un bouchon de ouate purifié lui-même par la chaleur, soit en ne laissant rentrer l’air que par un long tube capillaire : telle est la méthode. Possédant ainsi des terrains de culture débarrassés de toute plante parasite, M. Pasteur voulut y ensemencer, à l’exclusion de tout autre, un germe particulier et obtenir ce qu’il appela une culture pure. Ce problème, qui consistait à opérer une sorte de triage parmi les germes microscopiques, n’était pas facile à résoudre.

Supposez-le résolu une première fois : la première culture pure vous servira de semence pour d’autres cultures. Il suffira de déposer une trace infinitésimale de cette semence dans un liquide stérilisé. Mais comment obtenir cette première semence pure ? Par des cultures successives dans des liquides appropriés aux besoins de l’être qu’on veut étudier et impropres au développement des autres êtres. On arrivera ainsi à assurer, dans la lutte pour l’existence engagée entre ces infiniment petits, la prédominance des uns et la disparition des autres.

Il y a de grandes différences parmi les propriétés physiologiques des espèces microscopiques, et ces différences fournissent des moyens de séparation. En premier lieu, les températures favorables à leur développement sont fort inégales. Beaucoup meurent au-dessous de 60 degrés ; quelques-unes résistent à 120 degrés. En les cultivant dans une étuve réglée à une température précise, on peut se débarrasser de toutes celles qui ne supportent pas cette température.

En second lieu, les caractères chimiques du milieu influent sur le développement des espèces diverses. Les moisissures, par exemple, ces deux petites plantes appelées aspergillus niger et aspergillus glaucus, qui poussent sur le pain, sur les oranges gâtées, dans le fromage de Roquefort, exigent un milieu acide. Au contraire, le ferment qui fait tourner le lait veut un milieu alcalin. Ces différences permettent de mettre certaines chances de son côté lorsqu’on veut provoquer le développement d’une espèce isolée et éliminer les autres espèces. C’est ce moyen qu’emploient les distillateurs quand ils ajoutent au liquide où ils ont fait macérer les betteraves une certaine dose d’acide sulfurique. Le milieu acide convient à la levure, et nuit au développement des fermens étrangers, qui produiraient aux dépens du sucre de l’acide lactique, ou des gommes visqueuses, au lieu d’alcool.

Enfin, M. Pasteur a établi parmi les espèces microscopiques une distinction fondée sur un caractère tout nouveau. Il existe, et c’est là une des découvertes les plus imprévues du grand physiologiste, des êtres qui vivent sans air. Il y a même des espèces qui ne peuvent pas vivre en présence de l’air. Littré, sur la demande de