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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/862

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M. Pasteur, leur a cherché un nom générique et leur a donné celui d’anaérobies. Sous la lamelle du microscope, au centre de la goutte du liquide putréfié où ils ont pullulé, on voit les vibrions butyriques remuans et agiles ; sur les bords, où l’air pénètre, le mouvement cesse, les vibrions sont morts. Quand la fermentation butyrique est en train, elle se poursuivra dans une atmosphère d’acide carbonique, sans une trace d’air. Si l’on remplace le courant d’acide carbonique par un courant d’air, les vibrions tomberont au fond du vase et la fermentation s’arrêtera. Les poissons ont besoin pour respirer, de l’oxygène dissous dans l’eau : l’oxygène, même en dissolution, est funeste aux anaérobies. Cependant ils respirent, ils ont besoin aussi d’oxygène, mais d’oxygène combiné à d’autre corps. Mélangé à l’azote de l’air, dissous dans l’eau, il les brûle. Ces êtres ont le pouvoir d’attaquer la molécule complexe, d’en séparer les élémens utiles à leur vie et d’en rejeter les débris : c’est ainsi qu’ils jouent leur rôle de ferment.

On conçoit que les fermens aérobies et anaérobies donnent des résultats très différens. Pourquoi les ménagères qui préparent des fromages les suspendent-elles à la porte de leurs maisons et ont-elles soin de les retourner souvent ? C’est que, dans la fermentation très complexe de la caséine, les anaérobies donneraient de mauvais produits. M. Gayon vient de publier de très curieuses expériences sur les fumiers : à l’air libre, la température monte à 80 degrés, et la fermentation dégage des torrens d’ammoniaque, perdue pour la terre. À l’abri de l’air, la température ne monte qu’à 30 degrés et les gaz qui s’échappent sont des carbures d’hydrogène, inutiles à la terre, propres à l’éclairage. Probablement ce sont aussi des anaérobies qui font dégager du fond des eaux stagnantes un carbure d’hydrogène, le gaz des marais. Les agriculteurs commencent à s’occuper de la question de l’ensilage : la composition chimique des fourrages sortant du silo n’est plus la même que lors de la récolte : une fermentation a eu lieu par les anaérobies, qui ont été enfermés dans le silo à l’état de germes et qui se sont développés à l’abri de l’air.

On voit que de questions a soulevées M. Pasteur et combien de travaux il a suscités, travaux qui ne sauraient manquer d’être féconds, grâce aux méthodes qu’il a enseignées et aux lois qu’il a découvertes ! Mais revenons à ceux qu’il a achevés lui-même et qui serviront de modèle à tous les autres.


IV.


Liebig expliquait autrefois les fermentations et les putréfactions par un ébranlement moléculaire que subissaient les matières azo-