Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/874

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

succèdent par milliers en quelques heures. Ce n’est pas là cependant le transformisme tel que Darwin l’entend : le caractère n’est pas changé peu à peu, de générations en générations, par la survivance des individus les mieux appropriés au milieu. Le caractère est perdu chez une seule génération qu’on a laissée vieillir en présence de l’air et dans des conditions où elle ne pouvait ni se nourrir ni se reproduire. Ce n’est pas la lente modification de l’espèce, c’est l’atténuation de l’individu, atténuation qu’il transmet à ses descendans lorsqu’on lui rend, avec un milieu nutritif, la faculté de se reproduire.

Dès qu’il eut constaté ce phénomène, M. Pasteur comprit le parti, que la médecine pouvait tirer de sa découverte. Les maladies contagieuses, lorsqu’elles ne détruisent pas l’organisme, le laissent modifié de telle sorte qu’elles ne peuvent pas s’attaquer à lui une seconde fois. C’est un champ épuisé par un genre de culture particulier et où la même graine ne lèvera plus. Une maladie atténuée et bénigne rend l’organisme impropre à recevoir la même maladie à l’état pernicieux : telle est la théorie de la vaccine. Les vaccins sont des virus atténués.

M. Pasteur constata le fait pour les poules qui avaient reçu le choléra atténué : le choléra le plus pernicieux fut sans effet sur elles. Il songea immédiatement après à chercher la vaccine du charbon. Mais il rencontra une difficulté.

Nous avons dit qu’une culture de bactéridies qui vieillit, exposée à l’air, se détruit et ne laisse que des germes. Ces germes, étant à l’état de vie latente, dénués de toute activité vitale, sont réfractaires aux influences extérieures : comme des graines sans emploi, ils gardent fidèlement les caractères de la plante qui les a produits pour les transmettre à celle qui pourra sortir d’eux. Avec des êtres donnant des germes, on ne pouvait donc reprendre les moyens employés pour ceux qui n’en donnent pas et se reproduisent par scissiparité. Laissez vieillir, en présence de l’oxygène, le microbe du choléra des poules, il s’atténuera de plus en plus ; si vous laissez vieillir une culture de bactéridies dans un milieu épuisé, vous ne trouverez plus que des germes prêts à donner naissance à de nouvelles bactéridies qui ne seront pas du tout atténuées. Il fallait conserver les bactéridies et les laisser vieillir en présence de l’oxygène, tout en les empêchant de produire des germes. Or le moyen était trouvé : on a vu qu’entre 42 et 44 degrés les bactéridies ne produisent point de germes.

Les résultats dépassèrent toute espérance ; M. Pasteur obtint, — suivant la durée de l’exposition à 42 degrés, — une gradation de la virulence. Les bactéridies s’atténuèrent peu à peu ; de jour en