Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/952

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.

Un des plus singuliers, un des plus tristes phénomènes du temps présent, c’est en vérité que ceux qui sont aux affaires depuis quelques années dans notre pays, nos maîtres du jour, semblent ne pas même se douter de ce qu’ils font, et ont, avec toutes les présomptions, toutes les ignorances. Pourvu qu’ils règnent, pourvu qu’ils aient l’influence dans les assemblées, dans les ministères ou dans leur arrondissement, pourvu qu’ils gardent leur place dans cette franc-maçonnerie nouvelle organisée pour le gouvernement ou l’exploitation de la France, peu leur importe le reste, ils sont satisfaits.

Ils sont naïvement persuadés qu’à eux seuls ils représentent la république, la démocratie, le progrès, et ils s’imaginent presque, comme ils le disent par une habitude de déclamation banale, qu’ils sont l’objet de l’attention universelle. M. le président du conseil s’est même flatté d’offrir, par son congrès du dernier été, un de ces spectacles qui excitent l’admiration du monde. La réalité est que ces étranges politiques, improvisés par le hasard des événemens et par le caprice du suffrage universel, n’ont aucune idée ni du régime parlementaire qu’ils prétendent pratiquer, ni du gouvernement qu’ils ont l’ambition d’exercer sans partage, ni des vœux et des intérêts de la France qu’ils se figurent représenter. Ils sont le médiocre produit d’une situation troublée et transitoire où rien n’est à sa place. Ils ne gouvernent pas, ils ne dirigent pas : ils sont au pouvoir pour la satisfaction de leurs intérêts, de leurs passions, de leurs préjugés, bu de leurs ressentimens de parti et de secte. Tout se ressent nécessairement de cette préoccupation unique et subalterne, de cette inaptitude aux affaires sérieuses. Ils font des lois et ils ne peuvent en voter une seule sans y mettre toutes les incohérences et toutes les contradictions. Ils touchent à la