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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/960

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les intérêts permanens d’un pays, et ne sont pas l’oppression orgueilleuse d’une fraction de la famille nationale par un parti victorieux.

L’Espagne serait-elle menacée d’agitations ou de crises nouvelles ? Les bruits qui viennent à travers les Pyrénées ne sont-ils pas imaginés ou grossis par les partis, intéressés à profiter de tout, toujours prêts à prendre leurs illusions pour des réalités ? Les affairés espagnoles ne sont pas à la vérité des plus claires depuis quelques semaines, et à l’ouverture du parlement qui vient d’être fixée aux derniers jours de l’année, au 27 décembre, gouvernement et opposition, conservateurs et libéraux, auront assurément plus d’une querelle à vider. Le ministère de M. Canovas del Castillo va retrouver devant lui des adversaires ardens, passionnés, qui lui demanderont compte de sa politique, de ce qu’il a fait et de ce qu’il n’a pas fait, de la situation du pays et des incidens imprévus, assez malheureux, qui sont venus récemment créer quelques difficultés de plus.

L’opposition n’a pas perdu son temps pendant les vacances parlementaires. M. Castelar, avec sa parole toujours brillante, dans ses voyages à travers les provinces basques, M. Sagasta, de son côté, le général Lopez Dominguez dans ses excursions en Andalousie, d’autres encore ont passé ces derniers mois à faire une propagande des plus actives ; ils se sont efforcés de gagner l’opinion à leur cause, de rallier les forces libérales contre le parti conservateur qui est maintenant au pouvoir. Ils ont tenté surtout de rétablir une certaine unité de direction et de programme dans l’opposition, et il n’y a que peu de jours encore il y avait au théâtre du Prince Alphonse, à Madrid, une grande réunion qui était présidée par le maréchal Serrano, duc de La Torre, qui comptait des hommes de différentes nuances, le général Lopez Dominguez, M. Montero Rios, M. Balaguer. Le maréchal Serrano est un peu vieux, un peu affaibli pour ce rôle de directeur d’une campagne politique ; il est maintenant pour les libéraux espagnols ce qu’a été si longtemps le duc de la Victoire, un nom. Le vrai chef du parti, le lieutenant de Serrano, c’est le général Lopez Dominguez, homme brillant et résolu, qui a été ministre de la guerre avec M. Posada Herrera avant le cabinet conservateur, et qui relève le drapeau de la gauche dynastique, de toutes les réformes constitutionnelles et démocratiques, qu’il ne sépare pas de la monarchie d’Alphonse XII. C’est une opposition certainement sérieuse, qui peut devenir dangereuse selon les circonstances. Elle n’a pas encore cependant cause gagnée pour plus d’une raison. D’abord, le ministère de M. Canovas a dans les cortès qui ont été élues il y a quelques mois et qui vont se réunir prochainement, une assez forte majorité conservatrice ; de plus, cette opposition nouvelle, qui cherche à se réorganiser, est loin d’être aussi unie que le voudraient ses chefs, et on ne voit pas qu’elle rallie M. Sagasta et ses amis, qui se souviennent d’être tombés il y a un an du pouvoir précisément sous les