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sujets de langue étrangère ne dépasse plus 8 pour 100 sur une population totale de 45,234,061 individus, par suite des progresse la germanisation. Qu’on les approuve ou qu’on en conteste l’application, les efforts du gouvernement allemand pour amener toute la population de l’empire à l’unité de langage ont une portée politique dont les effets contribuent certainement à affermir la puissance de la nation. Tout homme de cœur se trouve profondément blesse par l’interdiction de sa langue maternelle. La raison d’état explique les atteintes portées aux sentimens des individus dans l’intérêt supérieur de la communauté.

Aucun autre peuple, si ce ne sont les Alsaciens-Lorrains, ne résiste avec tant d’opiniâtreté que les Polonais aux mesures de germanisation. Les Polonais ont sans doute l’avantage de pouvoir invoquer la garantie des traités pour le libre usage de leur langue, garantie refusée aux annexés français. Songeons seulement, à ce propos, au traité de Prague, dont l’artiste 5 reste sans exécution malgré les réclamations des Danois. Depuis des années et des années, les Polonais demandent, avec une insistance et une persévérance dignes d’un meilleur sort, le maintien de leur nationalité distincte au sein de la monarchie prussienne. Ils prétendent exercer le droit de conserver leur langue, en place de l’allemand pour les actes publics, devant les tribunaux et à l’école. Sans contester le droit en principe, le gouvernement impose la langue allemande de fait dans les actes où intervient l’administration. Au député Janiszewski, qui protestait contre les torts causés à la population de Posen, le ministre Manteuffel répondit à la chambre prussienne, le 2 octobre 1849 : « Si nous avons fait tort à Posen, nous réparerons ce tort ; mais je suis d’avis qu’il n’y a point de tort ! » Déclaration en harmonie avec l’instruction donnée par le même homme d’état à ses agens diplomatiques de prendre des engagemens qui ne lient pas. Les Polonais se trouvent en présence de promesses de cette nature chaque fois qu’ils invoquent les traités en faveur de leurs franchises nationales. Ils ont beau résister de toutes leurs forces, ils n’échappent pas au sort commun de l’absorption par la nation allemande. Afin de hâter la germanisation, un ordre de cabinet du 13 mai 1833 recommande l’acquisition, dans la province de Posen, de domaines de grands propriétaires polonais, au compte de l’état, pour revendre ces terres à des Allemands d’origine. En réponse à cet ordre, un président supérieur de la province dit dans un mémoire sur son administration : « Dans l’exercice de mes fonctions, j’ai cru devoir comprendre ma tâche de manière à favoriser l’union intime de cette province avec l’état prussien par l’effacement graduel des dispositions, des usages et des vues de ces habitans polonais contraires à la fusion désirée, en faisant pénétrer de plus en plus, dans la vie