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intime de la population, tout ce qui constitue l’essence de l’être allemand, tant pour les choses matérielles qu’au point de vue intellectuel, afin de réaliser comme effet définitif l’accord des deux nationalités, avec une prédominance positive de la culture allemande. » C’est tout à fait la politique administrative appliquée en Alsace-Lorraine. Quoi d’étonnant que les patriotes polonais protestent contre sa continuation, dont le résultat, considéré sous le rapport national, a été de réduire de 55 à 54 pour 100, dans le court intervalle du recensement de 1858 à celui de 1861, la proportion des habitans de la province de Posen inscrits comme se servant de la langue polonaise dans les relations de famille ?

Pendant longtemps, le domaine de la langue polonaise a embrassé le bassin de l’Oder et celui de la Vistule avec le cours supérieur du Bug et de quelques autres affluens en amont de Biala. La partie intérieure de ce domaine comprenant la Poméranie et le territoire de la Neumark fut pourtant perdue de bonne heure. Plus tard, le mouvement de retour des Allemands, dans le courant du ⅩⅢe siècle, enleva la majeure partie de la Basse-Silésie aux Polonais sans lutte violente. Par suite de la multiplication des colonies allemandes, le long de la Vistule ; une bande continue de possessions germaniques sépara le territoire des Polonais Kaszoubes de la Grande-Pologne, tandis que, dans le pays de Prusse, Allemands et Polonais s’établirent simultanément, les premiers dans les régions basses, voisines de la mer Baltique, les autres sur les terres plus élevées de la Mazovie, non sans avancer ou reculer par momens leurs limites respectives. Dans l’état actuel des choses, la ligne de séparation des langues, quoique assez tourmentée, suit un tracé continu depuis le contact des Polonais et des Allemands dans la région celtique, sur les bords de la Rominte, près Przcrosl, jusqu’à Bauernwitz, non loin de la Zinna, à la rencontre des Tchèques. Il s’en faut cependant que cette ligne établisse une démarcation absolue entre les deux langues, car elle laisse d’une part 2,400 localités polonaises avec environ 500,000 habitans disséminés sur l’ancien territoire de nationalité polonaise en Silésie, en Pomérélie et dans le sud de la province de Prusse occidentale. D’un autre côté, nous constatons la présence d’un nombre tout au moins égal de sujets parlant allemand, demeurant dans 1,420 communes germanisées du domaine polonais, à côté de 9,120 localités habitées par 2,300,000 individus polonais de langage. Dans la partie autrichienne de la Silésie, naguère attachée à la Pologne, le neuvième seulement de la population est allemand, en regard d’un quarantième d’Allemands établis dans la Pologne russe, abstraction faite des juifs, que certains statisticiens s’obstinent à revendiquer pour la, nationalité allemande en Russie et en Autriche, comme dans les provinces polonaises de