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tion de l’allemand à l’église et dans les écoles. Ce que tout le monde sait aussi, c’est que le prince de Bismarck, en se fondant sur sa nouvelle théorie des enclaves, renonce à autoriser les Danois du Sleswig septentrional à se prononcer sur leur nationalité par un plébiscite en vertu de l’article 5 du traité de Prague[1]. Dès son origine, le duché du Sleswig renfermait des élémens danois et allemands plus ou moins mêlés les uns aux autres. Alors cependant le sentiment national n’était pas aussi prononcé que de nos jours, où, malgré vingt ans d’annexion, la protestation des habitans danois de la moitié septentrionale du Sleswig est restée aussi vivace, aussi décidée qu’au moment de l’occupation allemande. Aux dernières élections pour le Reichstag, 14,223 suffrages donnés dans le Sleswig à deux députés danois réclamaient encore l’exécution du traité de Prague.

Récapitulons-nous nos données sur la puissance numérique de la population de langue allemande en Allemagne et hors d’Allemagne, nous constatons la présence sur le territoire de l’empire de 41,512,000 habitans parlant habituellement l’allemand, et de 60,000,000 Allemands vivant dans les différens pays de l’Europe. Dans ce total de 60,000,000 d’individus de langue allemande figurent 8,000,000 d’Austro Hongrois, 1,900,000 Suisses, 860,000 allemands russes, dont 625,000 juifs, 4,270,000 Hollandais et Luxembourgeois, 30,000 Allemands belges et 3,400,000 Flamands, dont 300,000 en France. L’empire allemand comptant dans ses limites actuelles 45,234,000 habitans, les élémens de langue étrangère y entrent dans la proportion de 9 pour 100. Par contre, nous avons dans l’ensemble des pays d’Europe 30 pour 100 de la population présente de l’Allemagne, également de langue allemande (non compris les Allemands émigrés en Amérique au nombre de 3 millions ½ depuis 1820). Depuis 1820, le nombre des Allemands en Europe a doublé, malgré l’intensité de l’émigration. Après la Russie, l’empire allemand est l’état européen le plus peuplé, et la nation allemande se trouve bien près d’arriver au premier rang occupé naguère par la France. Une forte infusion de sang étranger s’est faite dans la population allemande d’origine ou de langage. En Prusse, l’élément allemand se mêle dans une large mesure d’élémens slaves ; en Bavière, d’élémens celtiques. L’unité politique de l’Allemagne n’en subsiste pas moins comme expression de la volonté nationale et comme une garantie de prépondérance affermie de plus en plus par ces progrès croissans de la population.

Charles Grad.
  1. Voyez, dans la Revue du 1er septembre 1882, notre étude sur la constitution et le budget de l’emploi allemand.