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ce phénomène en disant que le boulet prend son point d’appui sur la pièce, et l’animal qui saute, sur la terre. L’eau fait le même office : dans un bateau à roues, les palettes chassent l’eau en arrière, mais le navire avance, et s’il est à hélice, vous voyez un courant d’eau vivement lancé qui recule. Enfin, l’air obéit à la même loi et fait la même fonction : il sert d’appui ; et pour conclure : si nous fixons à la nacelle une hélice dont l’axe soit horizontal et que nous la fassions mouvoir, elle avancera grâce à la pression qu’elle exerce sur l’air postérieur ; elle entraînera nacelle et ballon, et tout le système, deviendra un navire véritable avec cette seule différence qu’il sera dans un autre fluide, dans l’air au lieu de travailler dans l’eau. Pour compléter la ressemblance, il conviendra de lui donner une forme allongée et de le munir d’un gouvernail, placé à l’arrière, formé d’une toile lisse et tendue qu’on pourra tourner vers la droite ou la gauche, remplissant les mêmes fonctions et obéissant aux mêmes principes que le gouvernail des vaisseaux.

Cette construction réalisée, le ballon pourra être dirigé comme on le voudra dans une atmosphère en repos ; mais dans un couvrant d’air il faut y ajouter une dernière et essentielle condition. Quand l’air est complètement immobile, l’aérostat n’a dans toutes les directions qu’une seule et même vitesse, celle que lui donne son moteur et qu’on peut appeler sa vitesse propre. Quand l’atmosphère est en mouvement, il en a deux : la sienne et celle du courant d’air qui s’y superpose. Si toutes deux sont parallèles et de même sens, elles s’ajoutent ; mais si on met le cap à l’opposé du vent, elles se retranchent, et il peut arriver les trois cas suivans : 1° la vitesse propre est supérieure à celle du courant : alors le ballon peut marcher contre le vent, qu’il dépasse ; 2° toutes deux sont égales : dans ce cas ; elles se détruisent et on reste en place ; 3° le vent est supérieur à la marche du moteur, et on recule. La première condition seule permet d’avancer contre le vent et comme ce vent n’est pas chose constante, qu’il est, suivant les cas, nul, modéré ou violent, le ballon sera dirigeable à certains jours, ne le sera pas dans d’autres, dirigeable si le vent est moindre que la vitesse propre, indirigeable en tout sens, s’il est plus fort ; d’autant plus souvent dirigeable que le moteur sera plus puissant, la vitesse propre plus grande. La question est du ressort de la mécanique : faire un moteur léger et fort. En résumé, la solution du problème exige quatre conditions : 1° un moteur ; 2° une hélice ; 3° un-gouvernail ; 4° un vent inférieur à la vitesse propre.