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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/141

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météorologie, le plus favorable à notre existence, le plus étonnant de la physique du globe, de voir la terre, dans un espace si refroidi, conserver cependant une température élevée grâce à ce vêtement atmosphérique qui l’enveloppe, chaud à son contact, d’autant plus froid qu’on s’en éloigne davantage. L’antiquité connaissait le fait, par les voyages en montagne, par les neiges qui couronnent éter¬nellement les pics élevés ; toutes les ascensions l’ayant confirmé, on s’est cru en droit de généraliser les expériences de Gay-Lussac et de dire qu’en moyenne la température baisse d’un degré par 160 mètres d’élévation ; mais cela n’est qu’une vérité d’approxima¬tion, la réalité est bien autrement compliquée, comme l’a si bien reconnu M. Glaisher.

Dès sa première ascension, le 12 janvier 1854, il était parvenu à une altitude de 2,000 mètres ; le thermomètre, après avoir conti¬nuellement baissé, avait atteint 2 degrés au-dessous de zéro ; tout faisait croire qu’il allait continuer cette marche descendante, lors-qu’on le vit rester quelque temps stationnaire, puis remonter, atteindre 6 degrés au-dessus de zéro, conserver cette température extraordinaire jusqu’à 5,000 mètres et ne recommencer sa course descendante qu’au-delà de cette hauteur.

Depuis cette observation, la première de ce genre, M. Glaisher a retrouvé des perturbations semblables dans presque toutes ses ascensions ; il a traversé des couches séparées souvent par des pla¬fonds de nuages qui retenaient d’une part la chaleur de la terre et s’interposaient comme des écrans pour arrêter les rayons solaires, et, à chaque interruption de la continuité, il a constaté des changemens brusques de la température. Après M. Glaisher, M. Alluard a reconnu les mêmes perturbations au puy de Dôme. La plus curieuse de toutes, que nous avons déjà citée, avait été déjà observée par Barral et Bixio. On se rappelle qu’à 6,000 mètres ils étaient plon¬gés dans un nuage épais avec une température qui avait lente¬ment, mais régulièrement, baissé jusqu’à — 10° et qui ne différait pas sensiblement de celle que Gay-Lussac avait notée à la limite de son excursion. En s’élevant à 6,500 mètres, ils virent le temps s’éclaircir, le thermomètre baisser très rapidement et atteindre tout à coup l’énorme froid de — 39 degrés quand le ballon arrivait lui-même à la limite de son ascension, à 7,050 mètres de hauteur. C’était la plus basse température qu’on eût encore reconnue ; elle paraissait si extraordinaire à cette époque qu’en la faisant connaître à l’Académie des Sciences, Arago se crut obligé d’insister particu¬lièrement sur la réalité des observations. Aujourd’hui, elles n’éton¬nent plus personne ; on en connaît la cause, elles dépendent sur¬tout du vent, comme nous allons le montrer.